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nies de cristaux ; on donne à ces cavités le nom de cristallières lorsqu’elles en contiennent une grande quantité. C’est toujours près du sommet des montagnes quartzeuses et graniteuses que gisent ces grandes cristallières ou mines de cristal ; plusieurs naturalistes, et entre autres MM. Altman et Cappeller, ont décrit celles des montagnes de la Suisse[1] ; elles sont fréquentes dans le mont Grimsel, entre le canton de Berne et le Valais, dans le mont Saint-Gothard et autres montagnes voisines ; et c’est toujours dans les cavités du quartz ou dans les fentes des rochers quartzeux que se forme le cristal, et jamais dans les cavités ou fentes des rochers calcaires. Le cristal se produit aussi dans les pierres mixtes, comme on le voit dans presque tous les cailloux creux dont la substance est souvent mêlée de différentes matières vitreuses, métalliques, calcaires et limoneuses ; mais il faut toujours que le quartz y soit contenu en plus ou moins grande quantité : sans cela,

    ne peut y aborder que pendant un mois et demi de l’année, et qu’il faut courir les plus grands risques en y escaladant par des rochers taillés à pic, qui ne présentent que quelques saillies qui suffisent à peine pour placer la pointe du pied, et c’est au-dessus d’un précipice de plus de cinq cents pieds de profondeur qu’on est obligé de voyager de la sorte ; mais on est dédommagé des peines et des dangers en contemplant cette magnifique cristallière qui présente à l’œil un rocher qui n’est presque qu’une masse du plus beau cristal, et c’est pour cette raison que les gens des environs l’ont nommé la grande cristallière. Journal de physique, mois de décembre 1775, p. 517.

  1. Sur les cimes des plus hautes Alpes, on trouve des mines de cristaux ; on sait que cette matière se trouve dans les cavités de certaines veines métalliques, et que le quartz leur sert de matrice. Aux Alpes, les veines de quartz sortent au jour, et indiquent aux mineurs où il faut creuser ; cependant il faut souvent beaucoup de temps et de travail pour trouver une cavité qui contienne des cristaux. Dans le Grinselberg, on découvrit en 1719 une mine de cristaux plus riche que toutes celles qu’on avait déjà découvertes. L’un des cristaux de cette mine pesait huit cents livres ; il s’en trouve plusieurs de cinq cents livres. Les cristaux de la Suisse sont en général fort transparents. On en conserve un de couleur noire dans la bibliothèque de Berne ; on en trouve rarement de couleur jaune, ou brune, ou rouge. M. Altman en a chez lui dont la couleur approche de celle de l’améthyste. Description des montagnes de glace de la Suisse, par M. Altman, Journal étranger, janvier 1755. — Les indices qui guident les mineurs dans la recherche du cristal de roche sont des bandes ou zones blanches de plusieurs toises d’étendue et de huit à dix pouces de largeur, qui enveloppent en divers sens les blocs des rochers : ces zones, qu’ils nomment fleurs de mine, sont, dit M. Cappeller, formées par des concrétions brillantes et plus dures que la substance du roc. Les mineurs examinent aussi avec soin s’ils ne découvrent pas au bord de ces bandes des suintements d’eau qui transsudent par des espèces de loupes qui excèdent la surface du rocher ; alors ils frappent à grands coups de masse sur ces éminences, et par le son qui résulte de la commotion, ils jugent si le rocher est plein ou caverneux. Si ce son est creux, ils conçoivent de l’espérance et mettent la main à l’œuvre. Ils commencent par se frayer une route par la mine avec la poudre ; ils la dirigent en galerie comme les autres mineurs, et ils ont grande attention que leur mine ne coupe pas transversalement les bandes blanches, au moins dans leur plus grande largeur ; ce travail est pénible et souvent de plusieurs années, même incertains s’ils parviendront à la caverne qui recèle le cristal de roche. La longueur de l’exécution est encore prolongée par les neiges qui ne laissent à découvert les travaux que pendant environ trois mois de l’année…

    La minière la plus riche que l’on ait trouvée fut celle que l’on découvrit en 1719 ; la quantité du cristal que l’on en tira fut estimée trente mille écus. Les quilles étaient d’un volume énorme ; il y en avait une qui pesait huit cents livres, plusieurs de cinq cents, et beaucoup de cent livres. L’on voit encore deux de ces belles quilles dans la bibliothèque de Berne. Tous les cristaux de cette riche minière étaient de la plus grande régularité et de la plus belle eau. Il s’en trouva très peu de tannées par ces taches que l’on appelle neiges. Dans le Valais, vers le canton de Berne, dans la vallée de Kletch, on a trouvé une belle mine de cristal. Voyez les Mémoires de M. Capeller, médecin à Lucerne.