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raissent évidemment composés d’autres triangles plus petits, et l’on ne peut douter que les parties élémentaires du cristal ne soient des lames triangulaires fort petites, et dont la surface plane est néanmoins beaucoup plus étendue que celle de la tranche, qui est infiniment mince.

Quelques naturalistes récents, et entre autres Linnæus et ses écoliers, ont avancé mal à propos que les cristaux pierreux doivent leur figure aux sels ; nous ne nous arrêterons pas à réfuter des opinions aussi peu fondées : cependant, tous les physiciens instruits, et notamment le savant minéralogiste Cronstedt, avaient nié avec raison que les sels eussent aucune part à la formation non plus qu’à la figure de ces cristaux : il suffit, dit-il, qu’il y ait des corps métalliques qui se cristallisent par la fusion, pour démontrer que la forme des cristaux n’est point dépendante des sels. Cela est très certain ; les sels et les cristaux pierreux n’ont rien de commun que la faculté de se cristalliser, faculté plus que commune, puisqu’elle appartient à toute matière non seulement saline, mais pierreuse, ou même métallique, dès que ces matières sont amenées à l’état fluide, soit par l’eau, soit par le feu, parce que dans cet état de liquidité, les parties similaires peuvent s’approcher et se réunir par la seule force de l’attraction, et former par leur agrégation des cristaux dont la forme dépend de la figure primitive de leurs parties constituantes et de l’arrangement que prennent entre elles ces lames minces en vertu de leur affinité mutuelle et réciproque.

Le cristal de roche se trouve et croît en grosses quilles dans les cavités des rochers quartzeux et graniteux ; ces cavités s’annoncent quelquefois à l’extérieur par des éminences ou boursouflures dont on reconnaît le vide en frappant le rocher ; l’on juge par le son que l’intérieur en est creux.

Il se trouve en Dauphiné[1] plusieurs de ces rochers creux dont les cavités sont gar-

  1. Depuis longtemps, dit M. Guettard, l’Oisan (en Dauphiné) est célèbre par ses mines de cristal ; ses habitants ne cessent d’en faire la recherche ou de continuer l’ouverture des cristallières dont l’exploitation est commencée… L’on a découvert plusieurs mines de ce fossile ; il y en a au lac de Brandes, à Maronne, à La Gorde, à Girause, à L’Armentière, précisément au-dessus de La Romanche, à Frenay, à La Grave, à Cyentor près le Chazelle, à Vaujani ; le cristal y est nuageux et peu clair ; au Sautet, paroisse de Mont-de-Lau, à Mizoin, qui est au-dessus de cet endroit… Les filons de cristallière se font voir assez communément à des hauteurs très élevées dans les montagnes, quelquefois même, comme à La Grave, ils touchent ou sont à peu de distance des glacières, ce qui en rend l’accès toujours assez difficile et quelquefois dangereux, ce qui sera toujours un obstacle réel à une exploitation régulière. Mémoire sur la minéralogie du Dauphiné, t. II, p. 456 et suiv. — De Brandes, dit le même naturaliste, nous avons monté à la petite Herpia, où il y a une cristallière abandonnée. Le cristal en est beau ; le rocher est un schiste tendre et dur en quelques parties.

    De la petite Herpia on monte à la grande Herpia en deux heures par un chemin très étroit… et pour arriver à la grande cristallière, il faut monter par des rochers presque droits… On y travaille l’hiver, et elle est, dit-on, la mère de toutes les cristallières ; il y a un filon très considérable de quartz, et le cristal est divisé en poches qui paraissent très étroites et qui s’élargissent au fur et à mesure qu’on avance ; les mères des cristaux sont attachées aux quartz de chaque côté, de sorte que les aiguilles sont tournées les unes contre les autres, et cet entre-deux est rempli d’une terre ocreuse où il y a quelquefois des aiguilles de cristal détachées ; on fait jouer la mine dans le quartz pour détacher le rocher par quartiers, et ensuite on sépare avec des marteaux les cristaux de ce quartz. Le rocher est d’un schiste tendre qui se décompose facilement. Mémoire sur la minéralogie d’Auvergne, t. Ier, p. 17 et suiv. — Ce même savant académicien (M. Guettard) a parcouru, avec M. Faujas de Saint-Fond, les montagnes de l’Oisan, dans les Alpes, dont les mines sont couvertes de glaces permanentes, et ils ont examiné les mines de cristal des fosses de La Garde, des Massur-lès-Clos, de Maronne, de Frenay. Ils ont aussi visité les travaux de la fameuse mine de cristal de la grande Herpia, qu’on a été forcé d’abandonner malgré sa richesse, parce qu’on