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la même proportion relativement aux deux premiers, et que le schorl, qui est le dernier des cinq verres primitifs, est le plus pesant de tous. La différence est même si considérable que le mélange d’une petite quantité de schorl avec les autres verres peut produire une assez forte augmentation de poids, qui doit se retrouver et se retrouve en effet dans les extraits ou stalactites des matières vitreuses, mêlees de ce cinquième verre de la nature.

La seconde propriété essentielle à la matière solide est la dureté : elle est à peu près la même dans le quartz, le feldspath et le schorl ; elle est un peu moindre dans la jaspe et assez petite dans le mica, dont les parties n’ont que peu de cohésion, et dont les concrétions ou les agrégats sont pour la plupart assez tendres et quelquefois friables.

La troisième propriété, qu’on peut regarder comme essentielle à la substance de chacun des verres primitifs, est la plus ou moins grande fusibilité : le schorl et le feldspath sont très fusibles, le mica et le jaspe ne le sont qu’aux feux les plus violents, et le quartz est le plus réfractaire de tous.

Enfin, une quatrième propriété, tout aussi essentielle que les trois premières, est l’homogénéité qui se marque par la simple réfraction dans les corps transparents : le quartz et le feldspath sont plus simples que le jaspe et le mica, et le moins simple de tous est le schorl.

Ces propriétés, et surtout la densité plus ou moins grande, la fusibilité plus ou moins facile, et la simple ou double réfraction, doivent se conserver en tout ou en partie dans les agrégats simples et les extraits transparents, et même se retrouver dans les décompositions de toute matière primitive : aussi ces mêmes propriétés, tirées de la nature même de chaque substance, nous fourniront des moyens qu’on n’a pas employés jusqu’ici pour reconnaître l’essence de leurs extraits, en comparant ces extraits avec les matières primitives qui les ont produits.

Les extraits qui transsudent des matières vitreuses sont plus ou moins purs, selon qu’elles sont elles-mêmes plus simples et plus homogènes ; et en général, ces extraits sont plus purs que la matière dont ils proviennent, parce qu’ils ne sont formés que de sa substance propre, dont ils nous présentent l’essence : le spath n’est que de la pierre calcaire épurée ; le cristal de roche n’est proprement et essentiellement que du quartz dissous par l’eau et cristallisé après son évaporation ; les substances pures produisent donc des extraits tout aussi purs ; mais souvent d’une matière qui paraît très impure, il sort un extrait en stalactites transparentes et pures ; dans ce cas, il se fait une sécrétion des parties similaires d’une seule sorte de matière, qui se rassemblent et présentent alors une substance qui paraît différente des matières impures dont elle sort ; et c’est ce qui arrive dans les cailloux, les marbres, la terre limoneuse et dans les matières volcaniques : comme elles sont elles-mêmes composées d’un grand nombre de substances diverses et mélangées, elles peuvent produire des stalactites très différentes, et qui proviennent de chaque substance diverse contenue dans ces matières.

On peut donc distinguer les extraits ou stalactites de toute matière par les rapports de densité, de fusibilité, d’homogénéité, et l’on doit aussi comparer les degrés de dureté, de transparence ou d’opacité : nous trouverons, entre les termes extrêmes de ces propriétés, les degrés et nuances intermédiaires que la nature nous offre en tout et partout ; car ses productions ne doivent jamais être regardées comme des ouvrages isolés, mais il faut les considérer comme des suites d’ouvrages dans lesquels on doit saisir les opérations successives de son travail, en partant et marchant avec elle du plus simple au plus composé.