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triangles, on formera un heptaèdre ou solide à sept faces, dont la base sera un hexagone, et les six autres faces formeront une pyramide plus ou moins allongée ou accourcie, selon que les triangles seront plus ou moins aigus, et en joignant base à base ces deux heptaèdres, ils formeront un dodécaèdre ou solide à douze faces triangulaires.

En suivant ainsi toutes les figures polygones de sept, de huit, de neuf, etc., côtés et en établissant sur ces côtés de la base des triangles et les joignant ensuite base contre base, on aura des solides dont le nombre des faces sera toujours double de celui des triangles élevés sur cette base, et par ce progrès on aura la suite entière de tous les solides possibles qui se terminent en pyramides simples ou doubles.

Maintenant, si nous élevons trois parallélogrammes sur les trois côtés de la base triangulaire, et que nous supposions une pareille face triangulaire au-dessus, nous aurons un solide pentaèdre composé de trois faces rectangulaires et de deux faces triangulaires.

Et de même si, sur les côtés d’une base carrée, nous établissons des carrés au lieu de triangles, et que nous supposions une base carrée au-dessus égale et semblable à celle du dessous, l’on aura un cube ou hexaèdre à six faces carrées et égales ; et, si la base est en losange, on aura un hexaèdre rhomboïdal dont les quatre faces sont inclinées relativement à leurs bases.

Et, si l’on joint plusieurs cubes ensemble, et de même plusieurs hexaèdres rhomboïdaux par leurs bases, on formera des hexaèdres plus ou moins allongés, dont les quatre faces latérales seront plus ou moins longues, et les faces supérieures et inférieures toujours égales.

De même, si l’on élève des carrés sur une base pentagone, et qu’on les couvre d’un pareil pentagone, on aura un heptaèdre dont les cinq faces latérales seront carrées, et les faces supérieures et inférieures pentagones. Et, si l’on allonge ou raccourcit les carrés, l’heptaèdre qui en résultera sera toujours composé de cinq faces rectangulaires plus ou moins hautes.

Sur une base hexagone, on fera de même un octaèdre, c’est-à-dire un solide à huit faces, dont les faces supérieures et inférieures seront hexagones et les six faces latérales seront des carrés ou des rectangles plus ou moins longs.

On peut continuer cette génération de solides par des carrés posés sur les côtés d’une base, d’un nombre quelconque de côtés, soit sur des polygones réguliers, soit sur des polygones irréguliers.

Et ces deux générations de solides, tant par des triangles que par des carrés posés sur des bases d’une figure quelconque, donneront les formes de tous les solides possibles, réguliers ou irréguliers, à l’exception de ceux dont la superficie n’est pas composée de faces planes et rectilignes, tels que les solides sphériques, elliptiques, et autres dont la surface est convexe ou concave, au lieu d’être anguleuse ou à faces planes.

Or, pour composer tous ces solides anguleux, de quelque figure qu’ils puissent être, il ne faut qu’une agrégation de lames triangulaires, puisqu’avec des triangles on peut faire le carré, le pentagone, l’hexagone et toutes les figures rectilignes possibles, et l’on doit supposer que ces lames triangulaires, premiers éléments du solide cristallisé, sont très petites et presque infiniment minces. Les expériences nous démontrent que, si l’on met sur l’eau des lames minces en forme d’aiguilles ou de triangles allongés, elles s’attirent et se joignent en faisant l’une contre l’autre des oscillations jusqu’à ce qu’elles se fixent et demeurent en repos au point du centre de gravité, qui est le même que le centre d’attraction, en sorte que le second triangle ne s’attachera pas à la base du premier, mais à un tiers de sa hauteur perpendiculaire, et ce point correspond à celui du centre de gravité ; par conséquent, tous les solides possibles peuvent être produits par la simple agrégation des lames triangulaires, dirigées par la seule force de leur attraction mutuelle et respective dès qu’elles sont mises en liberté.