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se cristallisent par le moyen du feu plus aisément que par l’intermède de l’eau ; mais, pour ne parler ici que des cristallisations opérées par ce dernier élément, parce qu’elles ont plus de rapport que les autres avec les ciments de nature, nous devons observer que les formes de cristallisation ne sont ni générales ni constantes, et qu’elles varient autant dans le genre calcaire que dans le genre vitreux. Chaque contrée, chaque colline, et pour ainsi dire, chaque banc de pierre, soit vitreuse ou calcaire, offre des cristallisations de formes différentes ; or cette variété de forme dans les extraits démontre que ces extraits renferment quelques éléments différents entre eux, qui font varier leur forme de cristallisation : sans cela, tous les cristaux, soit vitreux, soit calcaires, auraient chacun une forme constante et déterminée, et ne différeraient que par le volume, et non par la figure. C’est peut-être au mélange de quelque matière, telle que nos ciments de nature, qu’on doit attribuer toutes les variétés de figures qui se trouvent dans les cristallisations, car une petite quantité de matière étrangère, qui se mêlera dans une stalactite au moment de sa formation, suffit pour en changer la couleur et en modifier la forme : dès lors, on ne doit pas être étonné de trouver presque autant de différentes formes de cristallisation qu’il y a de pierres différentes.

La terre limoneuse produit aussi des cristallisations de formes différentes, et en assez grand nombre : nous verrons que les pierres précieuses, les spaths pesants et la plupart des pyrites ne sont que des stalactites de la terre végétale réduite en limon, et cette terre est ordinairement mêlée de parties ferrugineuses qui donnent la couleur à ces matières.

Des différents mélanges et des combinaisons variées de la matière métallique avec les extraits des substances vitreuses, calcaires et limoneuses, il résulte non seulement des formes différentes dans la cristallisation, mais des diversités de pesanteur spécifique, de dureté, de couleur et de transparence dans la substance des stalactites de ces trois sortes de matières.

Il faut que la matière vitreuse, calcaire ou limoneuse, soit réduite à sa plus grande ténuité pour qu’elle puisse se cristalliser ; il faut aussi que le métal soit à ce même point de ténuité, et même réduit en vapeurs, et que le mélange en soit intime, pour donner la couleur aux substances cristallisées sans en altérer la transparence ; car, pour peu que la substance vitreuse, calcaire ou limoneuse, soit impure et mêlée de parties grossières, ou que le métal ne soit pas assez dissous, il en résulte des stalactites opaques et des concrétions mixtes, qui participent de la qualité de chacune de ces matières. Nous avons démontré la formation des stalactites opaques dans les pierres calcaires et celle de la mine de fer en grains dans la terre limoneuse[1] : on peut reconnaître le même procédé de la nature pour la formation des concrétions vitreuses, opaques ou demi-transparentes, qui ne différent du cristal de roche que comme les stalactites calcaires opaques diffèrent du spath transparent, et nous trouverons tous les degrés intermédiaires entre la pleine opacité et la parfaite transparence dans tous les extraits et dans tous les produits de décomposition des matières terrestres, de quelque essence que puissent être les substances dont ces cristallisations ou concrétions tirent leur origine, de quelque manière qu’elles aient été formées, soit par exsudation, ou par stillation.


  1. Voyez, dans le IIe volume, l’article de l’Albâtre et celui de la Terre végétale.