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qui ont une très forte odeur de foie de soufre, et d’autres qui, dès qu’on les frotte, répandant l’odeur du bitume[1].

Enfin le sixième ciment de nature est encore moins simple que le cinquième, et souvent aussi il est de qualités très différentes, selon les matières diverses sur lesquelles le feu des volcans a travaillé avec plus ou moins de force ou de continuité, et suivant que ces matières se sont trouvées plus ou moins pures ou mélangées de substances différentes : ce ciment, dans les matières volcaniques, est souvent composé d’autres ciments, et particulièrement du ciment ferrugineux ; car tous les basaltes et presque toutes les laves des volcans contiennent une grande quantité de fer, puisqu’elles sont attirables à l’aimant ; et plusieurs matières volcanisées contiennent des soufres et des sels.

Dans les matières vitreuses les plus simples, telles que le quartz de seconde formation et les grès, on ne trouve que le ciment cristallin et vitreux ; mais, dans les matières vitreuses composées, telles que les porphyres, granits et cailloux, il est souvent réuni avec les ciments ferrugineux ou pyriteux : de même, dans les matières calcaires simples et blanches, il n’y a que le ciment spathique ; mais, dans celles qui sont composées et colorées, et surtout dans les marbres, on trouve ce ciment spathique souvent mêlé du ciment ferrugineux, et quelquefois du bitumineux. Les deux premiers ciments, c’est-à-dire le vitreux et le spathique, dès qu’ils sont abondants, se manifestent par la cristallisation ; le bitume même se cristallise lorsqu’il est pur, et les ciments ferrugineux ou pyriteux prennent aussi fort souvent une forme régulière : les ciments sulfureux et salins se cristallisent non seulement par l’intermède de l’eau, mais aussi par l’action du feu ; néanmoins ils paraissent assez rarement sous cette forme cristallisée dans les matières qu’ils pénètrent, et en général tous ces ciments sont ordinairement dispersés et intimement mêlés dans la substance même des matières dont ils lient les parties ; souvent on ne peut les reconnaître qu’à la couleur ou à l’odeur qu’ils donnent à ces mêmes matières.

Le suc cristallin paraît être ce qu’il y a de plus pur dans les matières vitreuses, comme le suc spathique est aussi ce qu’il y a de plus pur dans les substances calcaires ; le ciment ferrugineux pourrait bien être aussi l’extrait du fer le plus décomposé par l’eau ou du fer sublimé par le feu ; mais les ciments bitumineux, sulfureux et salin, ne peuvent guère être considérés que comme des colles ou glutens, qui réunissent par interposition les parties de toute matière, sans néanmoins en pénétrer la substance intime, au lieu que les ciments cristallin, spathique et ferrugineux, ont donné la densité, la dureté et les couleurs à toutes les matières dans lesquels ils se sont incorporés.

Le feu et l’eau peuvent également réduire toutes les matières à l’homogénéité : le feu en dévorant ce qu’elles ont d’impur, et l’eau en séparant ce qu’elles ont d’hétérogène et les divisant jusqu’au dernier degré de ténuité ; tous les métaux, et le fer en particulier,

    rendre son odeur fétide de foie de soufre, combinaison formée, comme l’on sait, par l’union de l’acide avec l’alcali, représentée ici par une terre absorbante ou calcaire.

  1. La pierre de taille de Méjaune, dit M. l’abbé de Sauvages, est tendre, calcinable, d’un grain fin et d’un blanc terne : pour peu qu’on la frotte, elle sent le bitume. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1746, p. 721. — La pierre puante du Canada, qui est noire et dont on fait des pierres à rasoir, se dissout avec vivacité et reste ensuite sans jeter les moindres bulles, d’où il semblerait qu’on pourrait conclure qu’il entre dans sa composition des bitumes, des matières animales mêlées à des parties terreuses… Peut-être l’odeur forte et puante de quelques autres pierres n’est-elle produite que par des parties de bitume très ténues et disposées dans leur masse, au point que ces parties se dissolvent entièrement dans les acides… Les pierres bitumineuses de l’Auvergne se trouvent dans des endroits qui forment une suite de monticules posés dans le même alignement ; peut-être y a-t-il ailleurs de semblables pierres. Mémoires de M. Guettard, dans ceux de l’Académie des sciences, année 1769.