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tuantes. On connaît la ténacité et la solidité du ciment fait artificiellement avec la limaille de fer ; ce ciment néanmoins ne réunit que les surfaces, et ne pénètre que peu ou point du tout dans l’intérieur des substances dont il n’établit que la contiguïté ; mais, lorsque le ciment ferrugineux est employé par la nature, il augmente de beaucoup la densité et la dureté des matières qu’il pénètre ou réunit. Or cette matière ferrugineuse est entrée, soit en masses, soit en vapeurs, dans les jaspes, les porphyres, les granits, les grenats, les cristaux colorés, et dans toutes les pierres vitreuses, simples ou composées, qui présentent des teintes de rouge, de jaune, de brun, etc. On reconnaît aussi les indices de cette matière ferrugineuse dans plusieurs pierres calcaires, et surtout dans les marbres, les albâtres et les plâtres colorés ; ce ciment ferrugineux, comme les deux autres premiers ciments, a pu être porté de deux façons différentes : la première par sublimation de vapeurs, et c’est ainsi qu’il est entré dans les jaspes, porphyres et autres matières primitives ; la seconde par l’infiltration des eaux dans les matières de formation postérieure, telles que les schistes, les ardoises, les marbres et les albâtres ; l’eau aura détaché ces particules ferrugineuses des grandes roches de fer produites par le feu primitif dès le commencement de la consolidation du globe ; elle les aura réduites en rouille et aura transporté cette rouille ferrugineuse sur la surface entière du globe ; dès lors, cette chaux de fer se sera mêlée avec les terres, les sables et toutes les autres matières qui ont été remuées et travaillées par les eaux. Nous avons ci-devant démontré que les premières mines de fer ont été formées par l’action du feu primitif, et que ce n’est que des débris de ces premières mines ou de leurs détriments décomposés par l’intermède de l’eau que les mines de fer de seconde et de troisième formation ont été produites.

On doit réunir au ciment ferrugineux le ciment pyriteux qui se trouve non seulement dans les minerais métalliques, mais aussi dans la plupart des schistes et dans quelques pierres calcaires : ce ciment pyriteux augmente la dureté des matières qui ne sont point exposées à l’humidité, et contribue au contraire à leur décomposition dès qu’elles sont humectées.

On peut aussi regarder le bitume comme un quatrième ciment de nature ; il se trouve dans toutes les terres végétales, ainsi que dans les argiles et les schistes mêlés de terre limoneuse ; ces schistes limoneux contiennent quelquefois une si grande quantité de bitume qu’ils en sont inflammables ; et, comme toutes les huiles et graisses végétales ou animales se convertissent en bitume par le mélange de l’acide, on ne doit pas être étonné que cette substance bitumineuse se trouve dans les matières transportées et déposées par les eaux, telles que les argiles, les ardoises, les schistes et même certaines pierres calcaires : il n’y a que les substances vitreuses, produites par le feu primitif, dans lesquelles le bitume ne peut être mêlé, parce que la formation des matières brutes et vitreuses a précédé la production des substances organisées et calcaires.

Une autre sorte de ciment qu’on peut ajouter aux précédents est produit par l’action des sels ou par leur mélange avec les principes du soufre : ce ciment salin et sulfureux existe dans la plupart des matières terreuses ; on le reconnaît à la mauvaise odeur que ces matières répandent lorsqu’on les entame ou les frotte ; il y en a même, comme la pierre de porc[1],

  1. Ce n’est qu’en Norvège et en Suède, dit Pontoppidan, que l’on trouve la pierre du cochon, ainsi appelée parce qu’elle guérit une certaine maladie du cochon. Cette pierre, autrement nommée lapis fœtidus, rend une puanteur affreuse quand on la frotte : elle est brune, luisante et paraît être une espèce de vitrification, dans la composition de laquelle il entre beaucoup de soufre. Journal étranger, mois de septembre 1755, p. 213. — Nous ne pouvons nous dispenser de relever ici la contradiction qui est entre ces mots, vitrification qui contient du soufre, puisque le soufre se serait dissipé par la combustion longtemps avant que le feu se fût porté au degré nécessaire à la vitrification. La pierre de porc n’est point du tout une vitrification, mais une matière calcaire saturée du suc pyriteux, qui lui fait