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À ces quatre grandes classes de matières dont le globe terrestre est presque entièrement composé, nous devons en ajouter une cinquième, qui contiendra les sels et toutes les matières salines.

Enfin nous pouvons encore faire une sixième classe des substances produites ou travaillées par le feu des volcans, telles que les basaltes, les laves, les pierres ponces, les pouzzolanes, les soufres, etc.

Toutes les matières dures et solides doivent leur première consistance à la force générale et réciproque d’une attraction mutuelle qui en a réuni les parties constituantes ; mais ces matières, pour la plupart, n’ont acquis leur entière dureté et leur pleine solidité que par l’interposition successive d’un ou de plusieurs ciments que j’appelle ciments de nature, parce qu’ils sont différents de nos ciments artificiels, tant par leur essence que par leurs effets. Presque tous nos ciments ne sont pas de la même nature que les matières qu’ils réunissent ; la substance de la colle est très différente de celle du bois, dont elle ne réunit que les surfaces ; il en est de même du mastic qui joint le verre aux autres matières contiguës ; ces ciments artificiels ne pénètrent que peu ou point du tout dans l’intérieur des matières qu’ils unissent, leur effet se borne à une simple adhésion aux surfaces. Les ciments de nature sont, au contraire, ou de la même essence ou d’une essence analogue aux matières qu’ils unissent ; ils pénètrent ces matières dans leur intérieur et s’y trouvent toujours intimement unis ; ils en augmentent la densité en même temps qu’ils établissent la continuité du volume. Or, il me semble que les six classes sous lesquelles nous venons de comprendre toutes les matières terrestres ont chacune leur ciment propre et particulier, que la nature emploie dans les opérations qui sont relatives aux différentes substances sur lesquelles elle opère.

Le premier de ces ciments de nature est le suc cristallin qui transsude et sort des grandes masses quartzeuses, pures ou mêlées de feldspath, de schorl, de jaspe et de mica ; il forme la substance de toutes les stalactites vitreuses, opaques ou transparentes. Le suc quartzeux, lorsqu’il est pur, produit le cristal de roche, les nouveaux quartz, l’émail du grès, etc. Celui du feldspath produit les pierres chatoyantes, et nous verrons que le schorl, le mica et le jaspe ont aussi leurs stalactites propres et particulières : ces stalactites des cinq verres primitifs se trouvent en plus ou moins grande quantité dans toutes les substances vitreuses de seconde et de troisième formation.

Le second ciment, tout aussi naturel et peut-être plus abondant à proportion que le premier, est le suc spathique qui pénètre, consolide et réunit toutes les parties des substances calcaires. Ces deux ciments vitreux et calcaires sont de la même essence que les matières sur lesquelles ils opèrent ; ils en tirent aussi chacun leur origine, soit par l’infiltration de l’eau, soit par l’émanation des vapeurs qui s’élèvent de l’intérieur des grandes masses vitreuses ou calcaires ; ces ciments ne sont, en un mot, que les particules de ces mêmes matières atténuées et enlevées par les vapeurs qui s’élèvent du sein de la terre, ou bien détachées et entraînées par une lente stillation des eaux, et ces ciments s’insinuent dans tous les vides et jusque dans les pores des masses qu’ils remplissent.

Dans les ciments calcaires, je comprends le suc gypseux, plus faible et moins solide que le suc spathique qui l’est aussi beaucoup moins que le ciment vitreux ; mais ce suc gypseux est souvent plus abondant dans la pierre à plâtre que le spath ne l’est dans les pierres calcaires.

Le troisième ciment de nature est celui qui provient des matières métalliques, et c’est peut-être le plus fort de tous. Celui que fournit le fer est le plus universellement répandu, parce que la quantité du fer est bien plus grande que celle de tous les autres minéraux métalliques, et que le fer étant plus susceptible d’altération qu’aucun autre métal par l’humidité de l’air et par tous les sels de la terre, il se décompose très aisément et se combine avec la plupart des autres matières dont il remplit les vides et réunit les parties consti-