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encore plus généralement par son alcali, et l’arsenic, qui est un autre sel souvent uni avec la matière du feu dans la pyrite, agit avec une double puissance, et c’est de l’action de ces trois sels acides, alcalis et arsenicaux, que dépend l’altération ou minéralisation de toutes les substances métalliques, parce que tous les autres sels peuvent se réduire à ceux-ci.

L’arsenic a fait impression sur toutes les mines métalliques dans lesquelles il s’est établi dès le temps de la première formation des sels, après la chute des eaux et des autres matières volatiles ; il semble avoir altéré les métaux à l’exception de l’or ; il a produit, avec le soufre pyriteux et le foie de soufre, les mines d’argent rouges, blanches et vitreuses ; il est entré dans la plupart des mines de cuivre[1], et il adhère très fortement à ce métal[2] ; il a produit la cristallisation des mines d’étain et de celles de plomb qui se présentent en cristaux blancs et verts ; enfin il se trouve uni au fer dans plusieurs pyrites, et particulièrement dans la pyrite blanche que les Allemands appellent mispikel, qui n’est qu’un composé de mine de fer et d’une grande quantité d’arsenic[3]. Les mines d’antimoine, de bismuth, de zinc, et surtout celles de cobalt contiennent aussi de l’arsenic ; presque toutes les matières minérales en sont imprégnées ; il y a même des terres qui sont sensiblement arsenicales ; aucune matière n’est donc plus universellement répandue : la grande et constante volatilité de l’arsenic, jointe à la fluidité qu’il acquiert en se dissolvant dans l’eau, lui donnent la faculté de se transporter en vapeurs et de se déposer partout, soit en liqueur, soit en masses concrètes ; il s’attache à toutes substances qu’il peut pénétrer, et les corrompt presque toutes par l’acide corrosif de son sel.

L’arsenic est donc l’une des substances les plus actives du règne minéral : les matières métalliques et terreuses ou pierreuses ne sont en elles-mêmes que des substances passives ; les sels seuls ont des qualités actives, et le soufre doit être considéré comme un sel, puisqu’il contient de l’acide qui est l’un des premiers principes salins. Sous ce point de vue, les puissances actives sur les minéraux en général semblent être représentées par trois agents principaux, le soufre pyriteux, le foie de soufre et l’arsenic, c’est-à-dire par les sels acides, alcalins et arsenicaux ; et le foie de soufre, qui contient l’alcali uni aux principes du soufre, agit par une double puissance et altère non seulement les substances métalliques, mais aussi les matières terreuses.

Mais quelle cause peut produire cette puissance des sels, quel élément peut les rendre actifs, si ce n’est celui du feu qui est fixé dans ces sels ? Car toute action qui dans la nature ne tend qu’à rapprocher, à réunir les corps, dépend de la force générale de l’attrac-

  1. La preuve évidente que l’arsenic peut minéraliser le cuivre, c’est qu’il le dissout à froid et par la voie humide, lorsqu’on le lui présente très divisé, comme en feuilles de livret. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 325.
  2. L’arsenic tient très fortement avec le cuivre, et souvent il se montre dans la matte ou cuivre noir après un grand nombre de fontes et de grillages pour tâcher de l’en séparer, ce qui dans les mines d’argent tenant cuivre en rend la séparation très difficile. M. Monnet, Journal de physique, septembre 1773.
  3. Le mispickel ou pyrite blanche peut être considéré comme une mine de fer arsenicale, ce métal y étant minéralisé par beaucoup d’arsenic et un peu de soufre ; mais l’arsenic étant aussi une substance métallique particulière, et sa quantité dans cette pyrite excédant de beaucoup celle du fer, nous pouvons regarder le mispickel comme une mine d’arsenic proprement dite. On le rencontre en masses, tantôt informes et tantôt cristallisées, de diverses manières… On trouve de fort beaux groupes de cristaux de mispickel à Mumig en Saxe. Lettres de M. le docteur Demeste, t. II, p. 129. — Et on observe même assez généralement que le mispickel en masses confuses est composé de petites lames rhomboïdes. Idem, p. 130. — La mine d’arsenic grise (pyrite d’orpiment) diffère peu de la précédente : elle contient une plus grande quantité de soufre, ce qui fait qu’en la calcinant, on en retire du réalgar. Idem, ibidem.