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ceau de verre très blanc qui n’avait besoin que d’être chauffé jusqu’à un certain point pour devenir d’un très beau bleu violet[1].

Il faut également calciner tous les manganèses pour leur enlever les minéraux volatils qu’ils peuvent contenir ; il faut les fondre souvent à plusieurs reprises avec du nitre purifié ; car ce sel a la propriété de développer et d’exalter la couleur violette du manganèse : après cette première préparation, il faut encore le faire refondre toujours avec un peu de nitre, en le mêlant avec la fritte du verre auquel on veut donner la belle couleur violette ; il est néanmoins très difficile d’obtenir cette couleur dans toute sa beauté, si l’on n’a pas appris par l’expérience la manière de conduire le feu de vitrification ; car cette couleur violette se change en brun et même en noir, ou s’évanouit lorsqu’on n’atteint pas ou que l’on passe le degré de feu convenable, et que l’usage seul peut apprendre à saisir.


DE L’ARSENIC

Dans l’ordre des minéraux, c’est ici que finissent les substances métalliques et que commencent les matières salines : la nature nous présente d’abord deux métaux, l’or et l’argent, qu’on a nommés parfaits, parce que leurs substances sont pures ou toutes deux alliées l’une avec l’autre, et que toutes deux sont également fixes, également inaltérables, indestructibles par l’action des éléments ; ensuite elle nous offre quatre autres métaux, le cuivre, le fer, l’étain et le plomb, qu’on a eu raison de regarder comme métaux imparfaits, parce que leur substance ne résiste pas à l’action des éléments, qu’elle se brûle par le feu et qu’elle s’altère et même se décompose par l’impression des acides et de l’eau. Après ces six métaux, tous plus ou moins durs et solides, on trouve tout à coup une matière fluide, le mercure, qui, par sa densité et par quelques autres qualités, paraît s’approcher de la nature des métaux parfaits, tandis que, par sa volatilité et par sa liquidité, il se rapproche encore plus de la nature de l’eau. Ensuite se présentent trois matières métalliques auxquelles on a donné le nom de demi-métaux, parce qu’à l’exception de la ductilité ils ressemblent aux métaux imparfaits. Ces demi-métaux sont l’antimoine, le bismuth et le zinc, auxquels on a voulu joindre le cobalt, le nickel et le manganèse ; et de même que, dans les métaux, il y a des différences très marquées entre les parfaits et les imparfaits, il se trouve aussi des différences très sensibles entre les demi-métaux. Ce nom, ou plutôt cette dénomination, convient assez à ceux qui, comme l’antimoine, le bismuth et le zinc, ne sont point mixtes, ou peuvent être rendus purs par notre art ; mais il me semble que ceux qui, comme le cobalt, le nickel et le manganèse, ne sont jamais purs et sont toujours mêlés de fer ou d’autres substances différentes de la leur propre, ne doivent pas être mis au nombre des demi-métaux, si l’on veut que l’ordre des dénominations suive celui des qualités réelles ; car, en appelant demi-métaux les matières qui ne sont que d’une seule substance, on doit imposer un autre nom à celles qui sont mêlées de plusieurs substances.

Dans cette suite de métaux, demi-métaux et autres matières métalliques, on ne voit que les degrés successifs que la nature met dans toutes les classes de ses productions ; mais l’arsenic[NdÉ 1], qui paraît être la dernière nuance de cette classe des matières métalliques,

  1. Dictionnaire de chimie, article Manganèse. M. de la Peyrouse dit aussi qu’on peut faire disparaître et reparaître à la flamme d’une bougie la belle couleur violette que le manganèse donne au verre de borax. Journal de physique, août 1780, p. 156 et suiv.
  1. Il s’agit ici de l’acide arsénieux, et non de l’arsenic lui-même. [Note de Wikisource : L’arsenic, envisagé en lui-même, est un corps simple, de même que tous les éléments faisant l’objet des articles précédent, depuis l’or jusqu’au manganèse.]