Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mériter un travail particulier, par lequel on en extrait ces métaux. Il faut pour cela ne calciner d’abord la mine de cobalt qu’à un feu modéré : s’il était violent, l’arsenic qui s’en dégagerait brusquement emporterait avec lui une partie de l’argent et de l’or, lequel ne s’y trouve qu’allié avec l’argent[1].

Mais ces mines de cobalt, qui contiennent une assez grande quantité de cet argent mêlé d’or pour mériter d’être ainsi travaillées, sont très rares en comparaison de celles qui ne sont mêlées que d’arsenic, de fer et de bismuth, et, avant de faire des essais qui ne laissent pas d’être coûteux, il faut tâcher de reconnaître les vraies mines de cobalt et de les distinguer de celles qui ne sont que des minerais d’arsenic, de fer, etc. ; et, si l’on ne peut s’en fier à cette connaissance d’inspection, il ne faut faire que des essais en petit[2], sur lesquels néanmoins on ne peut pas absolument compter ; car, dans la même mine de cobalt,

  1. On met quatre quintaux de cobalt dans un vaisseau plat sous la moufle ; on l’agite, sans discontinuer, pendant la calcination ; et, quand il ne rend plus d’odeur d’arsenic, on le pèse pour connaître ce qu’il a perdu de son poids : ce déchet va ordinairement à vingt-cinq ou vingt-six pour cent. On fait scorifier ce qui reste avec neuf quintaux de plomb grenaillé dont on connaît la richesse en argent ; et, lorsque les scories sont bien fluides, on verse le tout, dans le creux demi-sphérique d’une planche de cuivre rouge qu’on a frottée de craie. Les scories étant refroidies, on les détache avec le marteau du culot de plomb, que l’on met à la coupelle ; on connaît par le bouton d’argent qui reste sur la coupelle, et dont on a soustrait l’argent des neuf quintaux de plomb, si ce cobalt mérite d’être traité pour fin. Il convient aussi de faire le départ de ce bouton de coupelle, parce qu’ordinairement l’argent qu’on trouve dans le cobalt recèle un peu d’or. Idem, p. 237.
  2. Pour éviter la dépense des essais en grand, il faut prendre une portion du cobalt que l’on veut essayer ; on le pulvérise en poudre très fine ; ensuite on le met dans un creuset large d’ouverture, que l’on met dans un fourneau… Il faut que le feu soit assez fort pour tenir toujours le creuset d’un rouge obscur ; mais, dès que la matière paraît rouge, on l’agite de deux minutes en deux minutes… Entre chaque agitation on souffle dans le milieu du creuset à petits coups serrés avec un soufflet à main, comme on souffle sur l’antimoine qu’on emploie à purifier l’or… C’est le moyen le plus prompt de chasser la fumée blanche arsenicale, surtout lorsqu’on n’a pas dessein d’essayer dans la suite ce cobalt pour le fin, car, sans le soufflet, l’arsenic serait fort longtemps à s’évaporer. Quand il reste un peu de matière volatile dans le creuset, le cobalt qu’on y a mis paraît s’éteindre, et devient obscur ; mais il faut continuer à l’agiter jusqu’à ce qu’il ne répande plus de fumée blanche ni d’odeur d’ail : alors la calcination est finie… Une once de cobalt ainsi calciné se trouve réduite à environ cinq gros…

    On met deux gros de ce cobalt calciné dans un petit matras ; on y verse une once d’eau-forte, et environ trois gros d’eau commune ; on place le matras sur des cendres très chaudes… l’eau forte se chargera de la partie colorante, si ce minéral en contient, et prendra, en une heure ou deux de digestion, une couleur cramoisi sale : c’est la couleur que lui donne toujours le cobalt propre à faire l’azur, surtout s’il tient du bismuth. S’il ne contient pas de parties colorantes, elle restera blanche ; s’il tient du cuivre, elle prendra une couleur verte…

    Pour tirer la matière bleue du smalt, prenez cent grains de ce cobalt calciné, deux cents grains de sable bien lavé, deux cents grains de sel de soude purifié, et vingt à vingt-cinq grains de borax calciné. Après avoir bien mêlé ces matières dans un petit creuset d’essai bien bouché, mettez ce creuset sur l’aire d’une forge, ou encore mieux dans un petit fourneau de fonte carré… Faites agir le soufflet pendant une bonne demi-heure. Il n’y aura aucune effervescence si le cobalt a été bien calciné ; laissez ce creuset un demi-quart d’heure dans le feu après la parfaite fusion, sans souffler, pour donner le temps à la matière vitrifiée de se rasseoir ; retirez le creuset et mettez le refroidir à l’air ; cassez-le quand il sera froid, vous trouverez toute la matière vitrifiée en un verre bleu foncé, si ce cobalt a donné une couleur rouge à l’eau-forte, ou au moins une couleur de feuille morte. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 238.