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meule pour la réduire en poudre très fine et bien lavée, qui est alors d’un beau bleu d’azur et toute préparée pour entrer dans les émaux.

Comme les mines de cobalt sont fort mélangées et très différentes les unes des autres, et que même l’on donne vulgairement le nom de cobalt à toute mine mêlée de matières nuisibles[1], et surtout d’arsenic, on est forcé de les essayer pour les reconnaître, et s’assurer si elles contiennent en effet le vrai cobalt qui donne au verre le beau bleu. Il faut, dans ces essais, rendre les scories fort fluides et très nettes, pour juger de l’intensité de la couleur bleue que fournit la mine convertie d’abord en chaux et en verre ; on doit donc commencer par la griller et calciner, pour la mettre dans l’état de chaux ; il se trouve, à la vérité, quelques morceaux de minerai où le cobalt est assez pur pour n’avoir pas besoin d’être grillé, et qui donnent leur bleu sans cette préparation ; mais ces morceaux sont très rares, et communément le minerai de cobalt se trouve mêlé d’une plus ou moins grande quantité d’arsenic qu’il faut enlever par la sublimation. Cette opération, quoique très simple, demande cependant quelques attentions ; car il arrive assez souvent que, par un feu de grillage trop fort, le minerai de cobalt perd quelques nuances de sa belle couleur bleue ; et de même il arrive que ce minerai ne peut acquérir cette couleur, s’il n’a pas été assez grillé pour l’exalter, et ce point précis est difficile à saisir. Les unes de ces mines exigent beaucoup plus de temps et de feu que les autres, ce ne peut donc être que par des essais réitérés et faits avec soin que l’on peut s’assurer à peu près de la manière dont on doit traiter en grand telle ou telle mine particulière[2].

Dans quelques-unes, on trouve une assez forte quantité d’argent, et même d’or, pour

  1. La langue allemande a même attaché au mot de cobalt ou cobolt l’idée d’un esprit souterrain, malfaisant et malin, qui se plaît à effrayer et à tourmenter les mineurs ; et, comme le minerai de cobalt, à raison de l’arsenic qu’il contient, ronge les pieds et les mains des ouvriers qui le travaillent, on a appelé en général cobalto les mines dont l’arsenic fait la partie dominante. Mémoire sur le cobalt, par M. Saur, dans ceux des Savants étrangers, t. Ier.
  2. On pèse deux quintaux qu’on réduit en poudre grossière ; on les met dans un test à rôtir, sous la moufle du fourneau ; on leur donne le degré de chaleur modéré dans le commencement, et de demi-heure en demi-heure on retire le test pour refroidir la matière et la mettre en poudre plus fine, ce que l’on répète trois ou quatre fois, ou jusqu’à ce qu’elle ne rende plus d’arsenic.

    Le caillou qu’il faut joindre à cette matière, pour en achever l’essai, doit être aussi calciné. On choisit le silex qui devient blanc par la calcination, et qui ne prend point de couleur tannée. On peut lui substituer un quartz bien cristallin ou un sable bien lavé, qu’il faut aussi calciner. On divise en deux parties égales le cobalt calciné ; à une de ces parties on joint deux quintaux de cailloux ou de sable, et six quintaux de potasse. Après avoir mêlé le tout ensemble, on le met dans un creuset d’essai, que l’on place sur l’aire de la forge devant le soufflet : aussitôt que le charbon dont on a rempli le foyer, formé avec des briques, est affaissé, et que le creuset est rouge, on peut commencer à souffler, parce qu’on ne risque rien par rapport au soulèvement du flux. Dès qu’on a soufflé près d’une heure, on peut prendre, avec un fil de fer froid, un essai de la matière en fusion, et, si l’on trouve que les scories soient tenaces et qu’elles filent, l’essai est achevé… ; on le laisse encore au feu pendant quelques minutes. Quand on a cassé le creuset, on prend ces scories, on les broie et on les lave avec soin pour voir la couleur qu’elles donnent.

    Si elle est trop intense, on refait un autre essai avec le second quintal de cobalt qu’on a rôti, et l’on y ajoute trois quintaux de cailloux ou de sable. Si la couleur des scories de ce second essai est encore trop foncée, on répète ces essais jusqu’à ce qu’on ait trouvé la juste proportion du sable et la couleur qu’on veut avoir. C’est par ce moyen qu’on juge de la bonté du cobalt ; car, s’il colore beaucoup de sable ou de cailloux calcinés, il rend par conséquent beaucoup de couleur, et son prix augmente. (Schlutter, Traité de la fonte des mines, t. Ier, p. 235 et 236.)