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métaux s’ils avaient eu de la ductilité : ce n’est qu’à cause de sa très grande densité que l’on a placé le mercure avec les métaux, et parce qu’on a en même temps supposé que sa fluidité pouvait être considérée comme l’extrême de la ductilité.

Les minières de cobalt s’annoncent par des efflorescences à la surface du terrain : ces efflorescences sont ordinairement rougeâtres et assez souvent sont disposées en étoiles ou en rayons divergents qui quelquefois se croisent. Nous donnerons ici l’indication du petit nombre de ces mines que nos observateurs ont reconnues en France et dans les Pyrénées, aux confins de l’Espagne ; mais c’est dans la Saxe et dans quelques autres provinces de l’Allemagne qu’on a commencé à travailler, et que l’on travaille encore avec succès et profit les mines de cobalt ; et ce sont les minéralogistes allemands qui nous ont donné le plus de lumières sur les propriétés de ce minéral et sur la manière dont on doit le traiter.

Le premier et le plus sûr des indices extérieurs[1] qui peuvent annoncer une mine prochaine de cobalt est donc une efflorescence minérale, couleur de rose, de structure radiée à laquelle on a donné le nom de fleurs de cobalt : quelquefois cette matière n’est point en forme de fleurs rouges, mais en poudre et d’une couleur plus pâle ; mais le signe le plus certain et par lequel on pourra reconnaître le véritable cobalt est la terre bleue qui l’accompagne quelquefois, et, au défaut de cet indice, ce sera la couleur bleue qu’il donne lorsqu’il est réduit en verre ; car, si la mine qui paraît être de cobalt se convertit en verre noir, ce ne sera que de la pyrite ; si le verre est d’une couleur rousse, ce sera de la mine de cuivre ; au lieu que la mine de cobalt donnera toujours un verre bleu de saphir : c’est probablement par cette ressemblance à la couleur du saphir qu’on a donné à ce verre bleu de cobalt le nom de saphre ou safre. Au reste, on a aussi appelé safre la chaux de cobalt qui est en poudre rougeâtre et qui ne provient que de la calcination de la mine de cobalt : le safre qui est dans le commerce est toujours mêlé de sable quartzeux qu’on ajoute en fraude pour en augmenter la quantité, et ce safre ou chaux rougeâtre de cobalt donne aussi par la fusion le même bleu que le verre de cobalt, et c’est à ce verre bleu de safre que l’on donne le nom de smalt.

Pour obtenir ce verre avec sa belle couleur, on fait griller la mine de cobalt dans un fourneau où la flamme est réverbérée sur la matière minérale réduite en poudre ou du moins concassée ; ce fourneau doit être surmonté de cheminées tortueuses dans lesquelles les vapeurs qui s’élèvent puissent être retenues en s’attachant à leurs parois, ces vapeurs s’y condensent en effet et s’y accumulent en grande quantité, sous la forme d’une poudre blanchâtre que l’on détache en la raclant ; cette poudre est de l’arsenic dont les mines de cobalt sont toujours mêlées : elles en fournissent en si grande quantité, par la simple torréfaction, que tout l’arsenic blanc qui est dans le commerce vient des fourneaux où l’on grille des mines de cobalt ; et c’est le premier produit qu’on en tire.

La matière calcinée qui reste dans le fourneau, après l’entière sublimation des vapeurs arsenicales, est une chaux trop réfractaire pour être fondue seule ; il faut y ajouter du sable vitrescible, ou du quartz qu’on aura fait auparavant torréfier pour les pulvériser : sur une partie de chaux de cobalt, on met ordinairement deux ou trois parties de cette poudre vitreuse à laquelle on ajoute une partie de salin pour accélérer la fusion ; ce mélange se met dans de grands creusets placés dans le fourneau, et pendant les dix ou douze heures de feu qui sont nécessaires pour la vitrification, on remue souvent la matière pour en rendre le mélange plus égal et plus intime ; et, lorsqu’elle est entièrement et parfaitement fondue, on la prend tout ardente et liquide avec des cuillers de fer, et on la jette dans un cuvier plein d’eau, où, se refroidissant subitement, elle n’acquiert pas autant de dureté qu’à l’air et devient plus aisée à pulvériser ; elle forme néanmoins des masses solides qu’il faut broyer sous les pilons d’un bocard, et faire ensuite passer sous une

  1. Transactions philosophiques, no 396, novembre 1726.