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manifesta encore un peu de sensibilité à l’action du barreau aimanté lorsqu’il fut réduit en poudre, ce qui annonce que cette propriété lui est essentielle, puisqu’il ne peut dépendre ici de l’alliage d’un fer étranger[1]. » On ne doit donc pas regarder le platine comme un métal pur, simple et parfait, puisqu’on le purifiant autant qu’il est possible il contient toujours des parties de fer qui le rendent sensible à l’aimant. M. de Morveau a fondu le platine, sans addition d’aucune matière métallique, par un fondant composé de huit parties de verre pulvérisé, d’une partie de borax calciné et d’une demi-partie de poussière de charbon. Ce fondant vitreux et salin fond également les mines de fer et celles de tous les autres métaux[2], et après cette fusion, où il n’entre ni fer ni aucun autre métal, le platine, broyé dans un mortier d’agate, était encore attirable à l’aimant. Ce même habile chimiste est le premier qui soit venu à bout d’allier le platine avec le fer forgé, au moyen du fondant que nous venons d’indiquer : cet alliage du fer forgé avec le platine est d’une extrême dureté ; il reçoit un très beau poli qui ne se ternit point à l’air, et ce serait la matière la plus propre de toutes à faire des miroirs de télescope[3].

Je pourrais rapporter ici les autres expériences par lesquelles M. de Morveau s’est assuré que le fer existe toujours dans le platine le plus purifié : on les lira avec satisfaction dans son excellent ouvrage[4] ; on y trouvera, entre autres choses utiles, l’indication d’un moyen sûr et facile de reconnaître si l’or a été falsifié par le mélange du platine ; il suffit pour cela de faire dissoudre dans l’eau régale une portion de cet or suspect, et d’y jeter quelques gouttes d’une dissolution de sel ammoniac, il n’y aura aucun précipité si l’or est pur, et au contraire il se fera un précipité d’un beau jaune s’il est mêlé de platine ; on doit seulement avoir attention de ne pas étendre la dissolution dans beaucoup d’eau[5] ;

  1. Éléments de chimie, t. Ier, p. 219. — « Il n’est pas possible, dit ailleurs M. de Morveau, de supposer que la portion de platine, d’abord traitée par le nitre et ensuite par l’acide vitriolique, fût un fer étranger au platine lui-même, puisqu’il est évident qu’il aurait été calciné à la première détonation, et que nous avions eu l’attention de ne soumettre à la seconde opération que le platine qui avait reçu le brillant métallique ; cette réflexion nous a engagés à traiter une troisième fois les cinq cents grains restants, et le résultat a été encore plus satisfaisant. Le creuset ayant été tenu plus longtemps au feu, le platine était comme agglutiné au-dessous de la matière saline, la lessive était plus colorée et comme verdâtre, et la poussière noire plus abondante ; l’acide vitriolique, bouilli sur ce qui était resté sur le filtre, était sensiblement plus chargé, et le platine en état de métal, réduit à trente-cinq grains, compris quelques écailles qui avaient l’apparence de fer brûlé, et qui étaient beaucoup plus larges qu’aucun des grains de platine. Une autre circonstance bien digne de remarque, c’est que dans ces trente-cinq grains on découvrait aisément, à la seule vue, nombre de paillettes de couleur d’or, tandis qu’auparavant nous n’en avions aperçu aucune, même avec le secours de la loupe…

    » Nous avons fait digérer dans l’eau régale la poussière noire qui avait été séparée par les lavages ; elle a fourni une dissolution passablement chargée, qui avait tous les caractères d’une dissolution de platine, qui a donné sur-le-champ un beau précipité jaune pâle par l’addition de la dissolution du sel ammoniac, ce qui n’arrive pas à la dissolution de fer dans le même acide mixte ; la liqueur prussienne saturée l’a colorée en vert, et la fécule bleue a été plusieurs jours à se rassembler. » Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 145 et suiv.

  2. Idem, t. Ier, p. 227.
  3. Le platine est de tous les métaux le plus propre à faire les miroirs des télescopes, puisqu’il résiste, aussi bien que l’or, aux vapeurs de l’air, qu’il est compact, fort dense, sans couleur et plus dur que l’or, que le défaut de ces deux propriétés rend inutile pour cet usage. Description de l’or blanc, par M. Schœffer ; Journal étranger, mois de novembre 1757.
  4. Voyez les Éléments de chimie, t. II, p. 54 et suiv.
  5. Éléments de chimie, p. 269 et 314.