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seconde, c’est que cet alliage de fer et d’or, produit par un accident de nature, n’est pas, comme les métaux, d’une densité constante, mais d’une densité variable, et réellement différente suivant les circonstances, en sorte que tel platine est plus ou moins pesant que tel autre, tandis que dans tout vrai métal la densité est égale dans toutes les parties de sa substance.

M. de Morveau a reconnu, comme moi et avec moi, que le platine est en lui-même magnétique, indépendamment du sablon ferrugineux dont il est extérieurement mêlé, et quelquefois environné : comme cette observation a été contredite, et que Schœffer a prétendu qu’en faisant seulement rougir le platine il cessait d’être attirable à l’aimant, que d’autres chimistes en grand nombre ont dit qu’après la fonte il était absolument insensible à l’action magnétique, nous ne pouvons nous dispenser de présenter ici le résultat des expériences et les faits relatifs à ces assertions.

MM. Macquer et Baumé assurent avoir reconnu : « Qu’en poussant à un très grand feu, pendant cinquante heures, la coupellation du platine, il avait perdu de son poids, ce qui prouve que tout le plomb avait passé à la coupelle avec quelque matière qu’il avait enlevée, d’autant que ce platine, passé à cette forte épreuve de coupelle, était devenu assez ductile pour s’étendre sous le marteau[1]. » Mais, s’il était bien constant que le platine perdit de son poids à la coupellation, et qu’il en perdit d’autant plus que le feu est plus violent et plus longtemps continué, cette coupellation de cinquante heures n’était encore qu’imparfaite, et n’a pas réduit le platine à son état de pureté. « On n’était pas encore parvenu, dit avec raison M. de Morveau, à achever la coupellation du platine lorsque nous avons fait voir qu’il était possible de la rendre complète au moyen d’un feu de la dernière violence. M. de Buffon a inséré, dans ses suppléments[2], le détail de ces expériences, qui ont fourni un bouton de platine pur, et absolument privé de plomb et de tout ce qu’il aurait pu scorifier ; et il faut observer que ce platine

    gères portées avec le charbon ; le platine y était disséminé en globules de différentes grosseurs, quelques-uns du poids de vingt-cinq à trente grains, tous très attirables à l’aimant ; on observa dans quelques parties des scories une espèce de cristallisation en rayons divergents, comme l’asbeste ou l’hématite striée. La chaleur avait été si violente que, dans tout le pourtour intérieur, la pierre du fourneau était complètement calcinée de trois pouces et demi d’épaisseur, et même entamée en quelques endroits par la vitrification.

    Les scories pulvérisées furent débarrassées par un lavage en grande eau de toutes les parties de chaux et même d’une portion de la terre. On mit toute la matière restante dans un très grand creuset de plomb noir avec une addition de six livres d’alcali extemporané ; ce creuset fut placé devant les soufflets d’une chaufferie : en moins de six heures, le creuset fut percé du côté du vent, et il a fallu arrêter le feu parce que la matière qui en sortait coulait au-devant des soufflets.

    On reconnut le lendemain, à l’ouverture du creuset, que la masse vitreuse qui avait coulé et qui était encore attachée au creuset, tenait une quantité de petits culots de platine du poids de soixante à quatre-vingts grains chacun, et qui étaient formés de globules refondus : ces culots étaient de même très magnétiques, et plusieurs présentaient à leur surface des éléments de cristallisation. Le reste du platine était à peine agglutiné.

    On pulvérisa grossièrement toute la masse, et, en y promenant le barreau aimanté, on en retira près de onze onces de platine, tant en globules qu’en poussière métallique ; cette expérience fut faite aux forges de Buffon, et en même temps nous répétâmes dans mon laboratoire de Montbard l’expérience du platine malléable : on fit dissoudre un globule de platine dans l’eau régale, on précipita la dissolution par le sel ammoniac ; le précipité, mis dans un creuset au feu d’une petite forge, fut promptement revivifié, quoique sans fusion complète. Il s’étendit très bien sous le marteau, et les parcelles, atténuées et divisées dans le mortier d’agate, se trouvèrent encore sensibles à l’aimant.

  1. Dictionnaire de chimie, article Platine.
  2. Tome II.