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que la fusion est plus imparfaite, et qu’elle serait peut-être égale à celle de l’or si l’on pouvait réduire le platine en fonte parfaite ; c’est ce que nous avons tâché de faire en en faisant passer quelques livres à travers les charbons dans un fourneau d’aspiration[1] : la

  1. « Il est impossible de fondre le platine en or blanc dans un creuset, sans addition. Il résiste à un feu aussi vif, et même plus fort que celui qui fond les meilleurs creusets… Il fondrait beaucoup plus aisément sur les charbons, sans creuset ; mais on ne peut le traiter ainsi quand on n’en a pas une livre, et j’étais dans ce cas. Le phlogistique des charbons ne contribue en aucune manière à la fusion de ce métal, mais leur chaleur, animée par le soufflet de forge, est beaucoup plus forte que celle du creuset. » Description de l’or blanc, etc., par M. Schœffer ; Journal étranger, mois de novembre 1757. — J’ai pensé sur cela comme M. Schœffer, et j’ai cru que je viendrais à bout de fondre parfaitement le platine en le faisant passer à travers les charbons ardents et en assez grande quantité pour pouvoir le recueillir en fonte. M. de Morveau a bien voulu conduire cette opération en ma présence : pour cela, nous avons fait construire, au mois d’août dernier 1781, une espèce de haut fourneau de treize pieds huit pouces de hauteur totale, divisé en quatre parties égales, savoir : la partie inférieure, de forme cylindrique, de vingt pouces de haut sur vingt pouces de diamètre, formée de trois dalles de pierre calcaire posées sur une pierre de même nature, creusée légèrement en fond de chaudière ; ce cylindre était percé vers le bas de trois ouvertures disposées aux sommets d’un triangle équilatéral inscrit ; chacune de ces ouvertures était de huit pouces de longueur sur dix de hauteur, et défendue à l’extérieur par des murs en brique, à la manière des garde-tirants des fours à porcelaine.

    La seconde partie du fourneau, formée de dalles de même pierre, était en cône de douze pouces de hauteur, ayant au bas vingt pouces de diamètre et neuf pouces au-dessus ; les dalles de ces deux parties étaient entretenues par des cercles de fer.

    La troisième partie, formant un tuyau de neuf pouces de diamètre et de cinq pieds de long, fut construite en briques.

    Un tuyau de tôle de neuf pouces de diamètre et six pieds de hauteur, placé sur le tuyau de briques, formait la quatrième et dernière partie du fourneau ; on avait pratiqué une porte vers le bas, pour la commodité du chargement.

    Ce fourneau ainsi construit, on mit le feu vers les quatre heures du soir : il tira d’abord assez bien ; mais, ayant été chargé de charbon jusqu’aux deux tiers du tuyau de briques, le feu s’éteignit, et on eut assez de peine à le rallumer et à faire descendre les charbons qui s’engorgeaient. L’humidité eut sans doute aussi quelque part à cet effet : ce ne fut qu’à minuit que le tirage se rétablit ; on l’entretint jusqu’à huit heures du matin, en chargeant de charbon à la hauteur de cinq pieds seulement, et bouchant alternativement un des tisards pour augmenter l’activité des deux autres.

    Alors on jeta dans ce fourneau treize onces de platine mêlé avec quatre livres de verre de bouteille pulvérisé et tamisé, et on continua de charger de charbon à la même hauteur de cinq pieds au-dessus du fond.

    Deux heures après, on ajouta même quantité de platine et de verre pilé.

    On aperçut, vers le midi, quelques scories à l’ouverture des tisards ; elles étaient d’un verre grossier, tenace, pâteux, et présentaient à leur surface des grains de platine non attaqués ; on fit rejeter dans le fourneau toutes celles que l’on put tirer.

    On essaya de boucher à la fois deux tisards, et l’élévation de la flamme fit voir que le tirage en était réellement augmenté ; mais les cendres qui s’amoncelaient au fond arrêtant le tirage, on prit le parti de faire jouer un très gros soufflet en introduisant la buse dans un des tisards, les autres bouchés, et pour lors on enleva le tuyau de tôle, qui devenait inutile.

    On reconnut, vers les cinq heures du soir, que les cendres étaient diminuées ; les scories mieux fondues contenaient une infinité de petits globules de platine, mais il ne fut pas possible d’obtenir un laitier assez fluide pour permettre la réunion de petits culots métalliques. On arrêta le feu à minuit.

    Le fourneau ayant été ouvert après deux jours de refroidissement, on trouva sur le fond une masse de scories grossières, formées de cendres vitrifiées et de quelques matières étran-