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qui en résulte est cassant au point d’être friable : mais de la même manière que, dans les métaux, le cuivre est celui avec lequel le platine s’unit le plus facilement, il se trouve que des demi-métaux, c’est le zinc avec lequel il s’unit aussi le plus parfaitement : cet alliage du platine et du zinc ne change point de couleur et ressemble au zinc pur ; il est seulement plus ou moins bleuâtre, selon la proportion plus ou moins grande du platine dans le mélange ; il ne se ternit point à l’air, mais il est plus aigre que le zinc qui, comme l’on sait, s’étend sous le marteau : ainsi cet alliage du platine et du zinc, quoique facile, n’offre encore aucun objet d’utilité ; mais, si l’on mêle quatre parties de laiton ou cuivre jaune avec une partie de platine, l’union paraît s’en faire d’une manière intime, la substance de l’alliage est compacte et fort dure, le grain en est très fin et très serré, et il prend un poli vif qui ne se ternit point à l’air ; sans être bien ductile, cet alliage peut néanmoins s’étendre assez sous le marteau pour pouvoir s’en servir à faire des miroirs de télescope et d’autres petits ouvrages dont le poli doit résister aux impressions de l’air.

J’ai cru pouvoir avancer, il y a quatre années[1], et je crois pouvoir soutenir encore aujourd’hui, que le platine n’est point un métal pur, mais seulement un alliage d’or et de fer produit accidentellement et par des circonstances locales : comme tous nos chimistes, d’après MM. Schœffer et Lewis, avaient sur cela pris leur parti, qu’ils en avaient parlé comme d’un nouveau métal parfait, ils ont cherché des raisons contre mon opinion, et ces raisons m’ont paru se réduire à une seule objection que je tâcherai de ne pas laisser sans réponse : « Si le platine, dit un de nos plus habiles chimistes[2], était un alliage d’or et de fer, il devrait reprendre les propriétés de l’or à proportion qu’on détruirait et qu’on lui enlèverait une grande quantité de son fer, et il arrive précisément le contraire ; loin d’acquérir la couleur jaune, il n’en devient que plus blanc, et les propriétés par lesquelles il diffère de l’or n’en sont que plus marquées. » Il est très vrai que, si l’on mêle de l’or avec du fer dans leur état ordinaire, on pourra toujours les séparer en quelque dose qu’ils soient alliés, et qu’à mesure qu’on détruira et enlèvera le fer, l’alliage reprendra la couleur de l’or, et que ce dernier métal reprendra lui-même toutes ses propriétés dès que le fer en sera séparé ; mais n’ai-je pas dit et répété que le fer, qui se trouve si intimement uni au platine, n’est pas du fer dans son état ordinaire de métal, qu’il est au contraire, comme le sablon ferrugineux qui se trouve mêlé avec le platine, presque entièrement dépouillé de ses propriétés métalliques, puisqu’il est presque infusible, qu’il résiste à la rouille, aux acides, et qu’il ne lui reste que la propriété d’être attirable à l’aimant : dès lors, l’objection tombe, puisque le feu ne peut rien sur cette sorte de fer ; tous les ingrédients, toutes les combinaisons chimiques, ne peuvent ni l’altérer ni le changer, ni lui ôter sa qualité magnétique, ni même le séparer en entier du platine avec lequel il reste constamment et intimement uni ; et, quoique le platine conserve sa blancheur et ne prenne point la couleur de l’or, après toutes les épreuves qu’on lui a fait subir, cela n’en prouve que mieux que l’art ne peut altérer sa nature ; sa substance est blanche et doit l’être en effet, en la supposant, comme je le fais, composée d’or dénaturé par l’arsenic, qui lui donne cette couleur blanche et qui, quoique très volatil, peut néanmoins y être très fixement uni, et même plus intimement qu’il ne l’est dans le cuivre dont on sait qu’il est très difficile de le séparer.

Plus j’ai combiné les observations générales et les faits particuliers sur la nature du platine, plus je me suis persuadé que ce n’est qu’un mélange accidentel d’or imbu de vapeurs arsenicales, et d’un fer brûlé autant qu’il est possible, auquel le feu a par conséquent enlevé toutes ses propriétés métalliques, à l’exception de son magnétisme ; je crois même que les physiciens qui réfléchiront sans préjugé sur tous les faits que je viens

  1. Tome II, p. 334 et suiv.
  2. M. Macquer.