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La différence la plus sensible qu’il y ait entre les propriétés secondaires de l’or et du platine, c’est la facilité avec laquelle il s’amalgame avec le mercure, et la résistance que le platine oppose à cette union ; il me semble que c’est par le fer et par l’arsenic, dont le platine est intimement pénétré, que l’or aura perdu son attraction avec le mercure qui, comme l’on sait, ne peut s’amalgamer avec le fer, et encore moins avec l’arsenic ; je suis donc persuadé qu’on pourra toujours donner la raison de toutes ces différences en convenant, avec moi, que le platine est un or dénaturé par le mélange intime du fer et d’une vapeur d’arsenic.

Le platine, mêlé en parties égales avec l’or, exige un feu violent pour se fondre ; l’alliage est blanchâtre, dur, aigre et cassant ; néanmoins, en le faisant recuire, il s’étend un peu sous le marteau : si on met quatre parties d’or sur une de platine, il ne faut pas un si grand degré de feu pour les fondre, l’alliage conserve à peu près la couleur de l’or, et l’on a observé qu’en général l’argent blanchit l’or beaucoup plus que le platine ; cet alliage de quatre parties d’or sur une de platine peut s’étendre en lames minces sous le marteau.

Pour fondre le platine et l’argent mêlés en parties égales, il faut un feu très violent, et cet alliage est moins brillant et plus dur que l’argent pur ; il n’a que peu de ductilité, sa substance est grenue, les grains en sont assez gros et paraissent mal liés ; et, lors même que l’on met sept ou huit parties d’argent sur une de platine, le grain de l’alliage est toujours grossier ; on peut par ce mélange faire cristalliser très aisément l’argent en fusion[1], ce qui démontre le peu d’affinité de ce métal avec le platine, puisqu’il ne contracte avec lui qu’une union imparfaite.

Il n’en est pas de même du mélange du platine avec le cuivre ; c’est de tous les métaux celui avec lequel il se fond le plus facilement : mêlés à parties égales, l’alliage en est dur et cassant ; mais, si l’on ne met qu’une huitième ou une neuvième partie de platine, l’alliage est d’une plus belle couleur que celle du cuivre ; il est aussi plus dur et peut recevoir un plus beau poli, il résiste beaucoup mieux à l’impression des éléments humides, il ne donne que peu ou point de vert-de-gris, et il est assez ductile pour être travaillé à peu près comme le cuivre ordinaire. On pourrait donc, en alliant le cuivre et le platine dans cette proportion, essayer d’en faire des vases de cuisine, qui pourraient se passer d’étamage et qui n’auraient aucune des mauvaises qualités du cuivre, de l’étain et du plomb.

Le platine, mêlé avec quatre ou cinq fois autant de fonte de fer, donne un alliage plus dur que cette fonte et encore moins sujet à la rouille ; il prend un beau poli, mais il est trop aigre pour pouvoir être mis en œuvre comme l’alliage de cuivre. M. Lewis, auquel on doit ces observations, dit aussi que le platine se fond avec l’étain en toutes proportions, depuis parties égales jusqu’à vingt-quatre parties d’étain sur une de platine, et que ces alliages sont d’autant plus durs et plus aigres que le platine est en plus grande quantité, en sorte qu’il ne paraît pas qu’on puisse les travailler : il en est de même des alliages avec le plomb, qui même exigent un feu plus violent que ceux avec l’étain. Cet habile chimiste a encore observé que le plomb et l’argent ont tant de peine à s’unir avec le platine qu’il tombe toujours une bonne partie du platine au fond du creuset, dans sa fusion avec ces deux métaux, qui de tous ont par conséquent le moins d’affinité avec ce minéral.

Le bismuth, comme le plomb, ne s’allie qu’imparfaitement avec le platine, et l’alliage

  1. « Les cristallisations constantes de l’argent où il est entré du platine semblent indiquer réellement le peu d’affinité qu’il y a entre ces deux métaux : il paraît que l’argent tend à se séparer du platine. On a infailliblement des cristallisations d’argent bien prononcées, en fondant huit parties d’argent pur avec une partie de platine et en les passant à la coupelle. J’ai remis pour le Cabinet du Roi des boutons de deux gros ainsi cristallisés à leur surface ; la loupe la moins forte d’un microscope fait distinguer nettement les petites pyramides de l’argent. » Remarque communiquée par M. Tillet.