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L’or est précipité de sa dissolution par le vitriol de fer, et le platine ne l’est pas : ceci fournit un moyen de séparer l’or du platine s’il s’y trouvait artificiellement allié, mais cet intermède ne peut rien sur leur alliage naturel. Le mercure, qui s’amalgame si puissamment avec l’or, ne s’unit point avec le platine ; ceci fournit un second moyen de reconnaître l’or falsifié par le mélange du platine ; il ne faut que réduire l’alliage en poudre et le présenter au mercure, qui s’emparera de toutes les particules d’or et ne s’attachera point à celles du platine.

Ces différences entre l’or et le platine sont peu considérables, en comparaison des rapports de nature que ces deux substances ont l’une avec l’autre : le platine ne s’est trouvé que dans des mines d’or, et seulement dans deux endroits particuliers, et, quoique tiré de la même mine, sa substance n’est pas toujours la même ; car, en essayant sous le marteau plusieurs grains de platine, tel qu’on nous l’envoie, j’ai reconnu que quelques-uns de ces grains s’étendaient assez facilement, tandis que d’autres se brisaient sous une percussion égale ; cela seul suffirait pour faire voir que ce n’est point un métal natif et d’une nature univoque, mais un mélange équivoque, qui se trouve plus ou moins aigre, selon la quantité et la qualité des matières alliées.

Quoique le platine soit blanc à peu près comme l’argent, sa dissolution est jaune, et même plus jaune que celle de l’or : cette couleur augmente encore à mesure que la dissolution se sature, et devient à la fois tout à fait rouge ; cette dernière couleur ne provient-elle pas du fer toujours uni au platine[1] ? En faisant évaporer lentement cette dissolution, on obtient un sel cristallisé, semblable au sel d’or ; la dissolution noircit de même la peau, et laisse aussi précipiter le platine, comme l’or, par l’éther et par les autres huiles éthérées ; enfin, son sel reprend, comme celui de l’or, son état métallique, sans addition ni secours.

Le produit de la dissolution du platine paraît différer de l’or dissous en ce que le précipité de platine, fait par l’alcali volatil, ne devient pas fulminant comme l’or, mais aussi, peut-être que si l’on joignait une petite quantité de fer à la dissolution d’or, le précipité ne serait pas fulminant : je présume de même que c’est par une cause semblable que le précipité du platine par l’étain ne se colore pas de pourpre comme celui de l’or ; et, dans le vrai, ces différences sont si légères, en comparaison des grands et vrais rapports que le platine a constamment avec l’or, qu’elles ne suffisent pas à beaucoup près pour faire un métal à part et indépendant d’une matière qui n’est très vraisemblablement qu’altérée par le mélange du fer et de quelques vapeurs arsenicales ; car, quoique notre art ne puisse rendre à ces deux métaux altérés leur première essence, il ne faut pas conclure de son impuissance à l’impossibilité ; ce serait prétendre que la nature n’a pu faire ce que nous ne pouvons défaire, et nous devrions plutôt nous attacher à l’imiter qu’à la contredire.

Aucun acide simple, ni même le sublimé corrosif ni le soufre n’agissent pas plus sur le platine que sur l’or, mais le foie de soufre les dissout également ; toutes les substances métalliques le précipitent comme l’or, et son précipité conserve de même sa couleur et son brillant métallique ; il s’allie comme l’or avec tous les métaux et les demi-métaux.

    pesant que le platine : quatre ou cinq grains de cette matière décomposée ont le volume d’une noisette. » Note de M. Tillet.

  1. Le platine se dissout dans l’eau régale, qui doit être composée de parties égales d’acide nitreux et d’acide marin. Il en faut environ seize parties pour une partie de platine, et il faut qu’elle soit aidée de la chaleur… La dissolution prend une couleur jaune qui passe au rouge brun froncé ; il reste au fond du vaisseau des matières étrangères qui étaient mêlées au platine, et particulièrement du sable magnétique. La dissolution du platine fournit par le refroidissement de petits cristaux opaques de couleur jaune et d’une saveur âcre ; ces cristaux se fondent imparfaitement au feu, l’acide se dissipe, et il reste une chaux grise obscure. Éléments de Chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 266 et 267.