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mentation de son poids, la quantité de plomb qu’il a saisie et qu’il retient si puissamment que l’opération de la coupelle ne peut l’en séparer ; cette quantité, selon M. Schœffer, est de deux ou trois pour cent ; cet habile chimiste, qui le premier a travaillé le platine, dit, avec raison, qu’au miroir ardent, c’est-à-dire à un feu supérieur à celui de nos fourneaux, on vient à bout d’en séparer tout le plomb et de le rendre pur ; il ne diffère donc ici de l’or qu’en ce qu’étant plus difficile à fondre, il se coupelle aussi plus difficilement.

En mêlant partie égale de platine et de cuivre, on les fond presque aussi facilement que le cuivre seul, et cet alliage est à peu près aussi fusible que celui de l’or et du cuivre ; il se fond un peu moins facilement avec l’argent, il en faut trois parties sur une de platine, et l’alliage qui résulte de cette fonte est aigre et dur ; on peut en retirer l’argent par l’acide nitreux, et avoir ainsi le platine sans mélange, mais néanmoins avec quelque perte : il peut de même se fondre avec les autres métaux ; et ce qui est très remarquable, c’est que le mélange d’une très petite quantité d’arsenic, comme d’une vingtième ou d’une vingt-quatrième partie, suffit pour le faire fondre presque aussi aisément que nous fondons le cuivre : il n’est pas même nécessaire d’ajouter des fondants à l’arsenic, comme lorsqu’on le fond avec le fer ou le cuivre, il suffit seul pour opérer très promptement la fusion du platine, qui cependant n’en devient que plus aigre et plus cassant ; enfin, lorsqu’on le mêle avec l’or, il n’y a pas moyen de les séparer sans intermède, parce que le platine et l’or sont également fixes au feu, et ceci prouve encore que la nature du platine tient de très près à celle de l’or ; ils se fondent ensemble assez aisément ; leur union est toujours intime et constante, et, de même qu’on remarque des surfaces dorées dans le platine qui nous vient en grenailles, on voit aussi des filets ou de petites veines d’or dans le platine fondu ; quelques chimistes prétendent même que l’or est un dissolvant du platine, parce qu’en effet, si l’on ajoute de l’or à l’eau régale, la dissolution du platine se fait beaucoup plus promptement et plus complètement, et ceci, joint à ce que nous avons dit de sa dissolution par l’acide nitreux, est encore une preuve et un effet de la grande affinité du platine avec l’or ; on a trouvé néanmoins le moyen de séparer l’or du platine, en mêlant cet alliage avec l’argent[1], et ce moyen est assez sûr pour qu’on ne doive plus craindre de voir le titre de l’or altéré par le mélange du platine.

    bouton d’or, quelque brillant qu’il soit, pèsera toujours un peu plus d’un gros. » Remarque communiquée par M. Tillet.

  1. « Lorsqu’on a mêlé de l’or avec du platine, il y a un moyen sûr de les séparer, celui du départ, en ajoutant au mélange trois fois autant d’argent ou environ qu’il y a d’or ; l’acide nitreux dissout l’argent et le platine, et l’or tout entier en est séparé ; on verse ensuite de l’acide marin sur la liqueur chargée de l’argent et du platine, sur-le-champ on a un précipité de l’argent seul ; et, comme on a formé par là une eau régale, le platine n’en est que mieux maintenu dans la liqueur qui surnage l’argent précipité. Pour obtenir ensuite le platine, on fait évaporer sur un bain de sable la liqueur qui le contient, et on traite le résidu par le flux noir, en y ajoutant de la chaux de cuivre propre à rassembler ces particules de platine ; on lamine après cela le bouton de cuivre qu’on a retiré de l’opération, et on le fait dissoudre à froid dans de l’esprit de nitre affaibli ; le platine se précipite au fond du matras, et, après un recuit, il s’annonce avec ses caractères métalliques, mais avec un déchet de moitié ou environ sur la quantité de platine qu’on a employé. Voilà le procédé que j’ai suivi et par lequel on voit que je n’ai rien pu perdre par un défaut de soins : après des opérations réitérées, on parvient à réduire le platine à peu de grains, et enfin à le perdre totalement. Ces expériences annoncent que le platine se décompose et n’est pas un métal simple ; la matière noire et ferrugineuse se montre à chaque opération, et se trouve mêlée avec celle qui a conservé l’état métallique ; cette matière noirâtre, qui n’a pu reprendre ses caractères métalliques, est fort légère et ne se précipite qu’avec peine ; on ne croirait jamais qu’elle eût appartenu à un métal aussi