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toutes les substances demi-transparentes et très minces ; telle est cette belle mine d’antimoine de Felsobania, si recherchée par les amateurs pour les cabinets d’histoire naturelle. Il y a aussi de ces mines dont les filets sont tous d’une belle couleur rouge, et qui, selon M. Bergman, contiennent de l’arsenic[1] : toutes ces mines secondaires d’antimoine, grises, rouges ou variées, sont de dernière formation, et proviennent de la décomposition des premières.

Nous avons en France quelques bonnes mines d’antimoine ; mais nous n’en tirons pas tout le parti qu’il serait aisé d’en tirer, puisque nous faisons venir de l’étranger la plupart des préparations utiles de ce minéral. M. Le Monnier, premier médecin ordinaire du roi, a particulièrement observé les mines d’antimoine de la haute Auvergne : « Celle de Mercœur, à deux lieues de Brioude, était, dit-il, en pleine exploitation en 1739, et l’on sentait de loin l’odeur du soufre qui s’exhale des fours dans lesquels on fait fondre la mine d’antimoine. La mine s’annonce par des veines plombées qu’on aperçoit sur des bancs de rochers qui courent à fleur de terre… Cette mine de Mercœur fournit une très grande quantité d’antimoine ; mais il y a encore une autre mine beaucoup plus riche au Puy de la Fage, qui n’est qu’à une lieue de Mercœur ; elle est extrêmement pure, et rend souvent soixante-quinze pour cent ; les aiguilles sont toutes formées dans les filons de cette mine, et l’antimoine qu’on en tire est aussi beau que le plus bel antimoine de Hongrie… Un des plus petits filons, mais des plus riches de la mine de Mercœur, et qui n’a que deux pouces de large, est uni du côté du nord à un rocher franc, qui est une gangue très dure parsemée de veines de marcassite, et du côté du midi, il est contigu à une pierre assez tendre et graveleuse… Après cette pierre suivent différents lits d’une terre savonneuse, légère, capable de s’effeuilleter à l’air, et dont la couleur est d’un jaune citron ; cette terre, mise sur une pelle à feu, exhale une forte odeur de soufre, mais elle ne s’embrase pas. » M. Le Monnier a bien voulu nous envoyer, pour le Cabinet du Roi, un morceau tiré de ce filon, et dans lequel on peut voir ces différentes matières. Il rapporte dans ce même mémoire les procédés fort simples qu’on met en pratique pour fondre la mine d’antimoine en grand[2], et finit par observer que, indépendamment de ces deux mines de la Fage et de Mercœur, il y en a plusieurs autres dans cette même province, qui pour la plupart sont négligées[3]. MM. Hellot et Guettard font mention de celles de Langeac, de Chassignol, de Pradot, de Montel, de Brioude[4], et quelques autres endroits[5].

  1. Opuscules chimiques, t. II, dissertation 21.
  2. La manière de fondre la mine d’antimoine est fort simple : on met la mine dans des pots de terre, dont le premier n’est point percé et dont les autres sont troués dans le fond ; on superpose ceux-ci sur le premier, et on les remplit de mine d’antimoine cassée par petits morceaux ; ces pots sont arrangés dans un four que l’on chauffe avec des fagots ; on fait un feu modéré pendant les premières heures, et on l’augmente jusqu’à le faire de la dernière violence ; pendant cette opération, qui dure à peu près vingt-quatre heures, il sort du fourneau une fumée très épaisse qui répand fort loin aux environs une odeur de soufre qui cependant n’est pas nuisible, car aucun des habitants ne se plaint d’en avoir été incommodé ; après l’opération, on trouve l’antimoine fondu dans le pot inférieur, et les scories restent au-dessus. Quand la mine est bien pure, comme celle de la Fage, le pot inférieur doit se trouver plein d’antimoine ; mais celle de Mercœur n’en produit ordinairement que les deux tiers. Observations d’histoire naturelle, par M. Le Monnier ; Paris, 1739, p. 202 jusqu’à 205.
  3. Idem, p. 204.
  4. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1759.
  5. En Auvergne, dit M. Hellot, il y a une bonne mine d’antimoine à Pégu… une autre auprès de Langeac et de Brioude… une autre, dont le minéral est sulfureux, au village de Prados, paroisse d’Aly… une autre au village de Montel, même paroisse d’Aly… une autre dans la paroisse de Mercœur, qui donnait de l’antimoine pareil à celui de Hongrie, et dans la paroisse de Lubillac… ces deux filons sont épuisés ; mais on tire encore de l’antimoine dans la paroisse d’Aly, à deux lieues de Mercœur. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 62.