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mercure en traitant le sublimé corrosif avec le cinabre d’antimoine[1] ; d’autres, par des préparations plus combinées, prétendent avoir converti quelques portions d’argent en mercure[2] ; d’autres enfin assurent en avoir tiré de la limaille de fer, ainsi que de la chaux, du cuivre, et même de l’argent et du plomb, à l’aide de l’acide marin[3].

C’est par l’acide marin, et même par les sels qui en contiennent, que le mercure est précipité plus abondamment de ces dissolutions, et ces précipités ne sont point en poudre sèche, mais en mucilage ou gelée blanche, qui a quelque consistance ; c’est une sorte de sel mercuriel, qui néanmoins n’est guère soluble dans l’eau. Les autres précipités du mercure par l’alcali et par les terres absorbantes sont en poudre de couleurs différentes ; tous ces précipités détonent avec le soufre, et M. Bayen a reconnu qu’ils retiennent tous quelques portions de l’acide dissolvant et des substances qui ont servi à la précipitation.

On connaît, en médecine, les grands effets du mercure mêlé avec les graisses dans lesquelles néanmoins on le croirait éteint : il suffit de se frotter la peau de cette pommade mercurielle pour que ce fluide si pesant soit saisi par intussusception et entraîné dans toutes les parties intérieures du corps, qu’il pénètre intimement, et sur lesquelles il exerce une action violente qui se porte particulièrement aux glandes et se manifeste par la sali-

    naires avec le flux noir ou autre fondant, et l’expérience peut être répétée jusqu’à ce que le régule d’antimoine soit en entier réduit en mercure.

    » Si l’on fait évaporer jusqu’à siccité l’eau qui a servi aux lotions, après l’avoir laissée déposer, il restera une terre grisâtre ayant un goût salin et rougissant un peu au feu ; cette terre appartenait au mercure qui l’a déposée dans l’eau qui la tenait en dissolution.

    » Le mercure, dans l’opération ci-dessus, fait la fonction du feu et produit les mêmes effets ; il a fait disparaître du régule d’antimoine son aspect brillant, il lui a fait perdre une partie de son poids en le calcinant d’une manière irréductible, sans addition, avec le secours de l’eau et de la trituration, aussi complètement que pourrait le faire le feu. »

    On peut remarquer dans cet exposé de M. de Souhey que son idée sur l’essence du mercure, qu’il regarde comme une eau métallique, s’accorde avec les miennes ; mais j’observerai qu’il n’est pas étonnant que les métaux traités avec le mercure se calcinent même par la simple trituration. On sait que le métal fixe retient un peu de mercure au feu de distillation ; on sait aussi que le mercure emporte à la distillation un peu de métaux fixes ; ainsi, tant qu’on n’aura pas purifié le mercure que l’on croit avoir augmenté par le mercure d’antimoine, ce fait ne sera pas démontré.

  1. Voici un exemple ou deux de mercurification, tirés de Vallerius et Teichmeyer. Si l’on distille du cinabre d’antimoine fait par le sublimé corrosif, on retirera toujours des distillations, après la revivification du mercure, plus de mercure qu’il n’y en avait dans le sublimé corrosif. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Mercure.
  2. Si l’on prépare un sublimé corrosif avec l’esprit de sel et le mercure coulant et qu’on sublime plusieurs fois de la chaux ou de la limaille d’argent avec ce sublimé, une partie de l’argent se changera en mercure. Idem, ibidem.
  3. La limaille de fer bien fine, exposée pendant un an à l’air libre, ensuite bien triturée dans un mortier… remise après cela encore pendant un an à l’air et enfin soumise à une distillation dans une cornue, fournit une matière dure qui s’attache au col du vaisseau, et avec cette matière un peu de mercure.

    Si l’on prend de la cendre ou chaux de cuivre, qu’on la mêle avec du sel ammoniac, qu’on expose ce mélange pendant un certain temps à l’air et qu’on le mette en distillation avec du savon, on obtiendra du mercure.

    On prétend aussi tirer du mercure du plomb et de l’argent corné, en le mêlant avec parties égales d’esprit de sel bien concentré, en le laissant en digestion pendant trois ou quatre semaines et saturant ensuite ce mélange avec de l’alcali volatil, et le remettant en digestion pendant trois ou quatre semaines ; au bout de ce temps, il faut y joindre égale quantité de flux noir et de savon de Venise, et mettre le tout en distillation dans une cornue de verre, il passera du mercure dans le récipient. Idem, ibidem.