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Le chimiste Juncker a prétendu transmuer le cuivre en argent[1], et il a recueilli les procédés par lesquels on a voulu tirer du mercure des métaux ; je suis persuadé qu’il n’en existe dans aucun métal de première formation, non plus que dans aucune mine primordiale, puisque ces métaux et le mercure n’ont pu être produits ensemble. M. Grosse, de l’Académie des sciences, s’est trompé sur le plomb, dont il dit avoir tiré du mercure, car son procédé a été plusieurs fois répété, et toujours sans succès, par les plus habiles chimistes ; mais, quoique le mercure n’existe pas dans les métaux produits par le feu primitif, non plus que dans leurs mines primordiales, il peut se trouver dans les mines métalliques de dernière formation, soit qu’elles aient été produites par le dépôt et la stillation des eaux, ou par le moyen du feu et par la sublimation dans les terrains volcanisés.

Plusieurs auteurs célèbres, et entre autres Beccher et Lancelot, ont écrit qu’ils avaient tiré du mercure de l’antimoine ; quelques-uns même ont avancé que ce demi-métal n’était que du mercure fixé par une vapeur arsenicale. M. de Souhey, ci-devant médecin consultant du roi, a bien voulu me communiquer un procédé par lequel il assure aussi avoir tiré du mercure de l’antimoine[2]. D’autres chimistes disent avoir augmenté la quantité du

  1. Voici son procédé : on fait couler en masse, au feu de sable, quatre parties de feuilles de cuivre, quatre parties de sublimé corrosif et deux parties de sel ammoniac ; on pulvérise ce composé et on le lave dans le vinaigre jusqu’à ce que le nouveau vinaigre ne verdisse plus ; on fond alors ce qui reste avec une partie d’argent et on coupelle avec le plomb. Suivant Juncker, le cuivre se trouve converti en argent. M. Weber, chimiste allemand, vient de répéter jusqu’à deux fois ce procédé, sur l’assurance que deux personnes lui avaient donnée qu’il leur avait réussi ; il avoue qu’il n’a retrouvé que l’argent ajouté à la fusion, et il remarque, avec toute raison, que c’est opérer assez heureusement et avec toute exactitude lorsqu’une portion du métal fin ne passe pas par la cheminée avec l’espérance de la transmutation. Magasin physico-chimique de M. Weber, t. Ier, p. 121.
  2. « Le mercure, dit M. de Souhey, est un mixte aqueux et terreux dans lequel il entre une portion du principe inflammable ou sulfureux, et qui est chargé jusqu’à l’excès de la terre de Beccher ; voilà, dit-il, la meilleure définition qu’on puisse donner du mercure. Il m’a paru si avide du principe constituant les métaux et les demi-métaux, que je suis parvenu à précipiter ceux-ci avec le mercure ordinaire sous une forme de chaux réductible, sans addition, avec le secours de l’eau et avec celui du feu ; j’ai ainsi calciné tous les métaux, même les plus parfaits, d’une manière aussi irréductible, avec du mercure tiré des demi-métaux.

    » L’affinité du mercure est si grande avec les métaux et les demi-métaux, qu’on pourrait, pour ainsi dire, assurer que le mercure est au règne minéral ce que l’eau est aux deux autres règnes. Pour prouver cette assertion, j’ai fait des essais sur les demi-métaux et j’expose seulement ici le procédé fait sur le régule d’antimoine : en fondant une partie de ce régule avec deux parties d’argent (qui sert ici d’intermède et qu’on sépare l’opération finie), on réduira ces matières en poudre, qu’on amalgamera avec cinq ou six parties de mercure ; on triturera le mélange avec de l’eau de fontaine, pendant douze à quinze heures, jusqu’à ce qu’elle en sorte blanche ; l’amalgame sera longtemps brun et, par les lotions réitérées, l’eau entraînera peu à peu avec elle le régule sous une forme de chaux noire entièrement fusible ; cette chaux, recueillie avec soin, séchée et mise au feu dans une cornue, on en sépare le mercure que s’y était mêlé ; en décantant l’eau qui a servi à nettoyer l’amalgame, on ne trouvera que les deux tiers du poids du régule qui avait été fondu et ensuite amalgamé avec le mercure ; on sépare aussi, par la sublimation, celui qui était resté avec l’argent : alors, si l’opération a été bien faite, l’argent sera dégagé de tout alliage et très blanc ; le mercure aura sensiblement augmenté de poids, en tenant compte de celui qui était mêlé avec la chaux du régule qu’on suppose avoir été séparé par la distillation. On peut conclure que le mercure s’est approprié le tiers du poids qui manque sur la totalité du régule et que ce tiers s’est réduit en mercure, ne pouvant plus s’en séparer ; les deux tiers restants quittent l’état de chaux si on les rétablit par les procédés ordi-