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que par addition aux surfaces, et par juxtaposition, et non par pénétration intime et décomposition de la substance de ces métaux qu’il se combine avec eux.

Non seulement tous les alcalis, ainsi que les terres absorbantes, précipitent le mercure de ses dissolutions et le font tomber en poudre noire ou grise, qui prend avec le temps une couleur rouge, mais certaines substances métalliques le précipitent également : le cuivre, l’étain et l’antimoine, ne décomposent pas ces dissolutions ; et ces précipités, tous revivifiés, offrent également du mercure coulant.

On détruit en quelque sorte la fluidité du mercure en l’amalgamant avec les métaux ou en l’unissant avec les graisses ; on peut même lui donner une demi-solidité en le jetant dans l’huile bouillante : il y prend assez de consistance pour qu’on puisse le manier, l’étendre, et en faire des anneaux et d’autres petits ouvrages ; le mercure reste dans cet état de solidité, et ne reprend sa fluidité qu’à l’aide d’une chaleur assez forte.

Il y a donc deux circonstances, bien éloignées l’une de l’autre, dans lesquelles néanmoins le mercure prend également de la solidité, et ne reprend de la fluidité que par l’accession de la chaleur : la première est celle du très grand froid, qui ne lui donne qu’une solidité presque momentanée, et que le moindre degré de diminution de ce froid, c’est-à-dire la plus petite augmentation de chaleur, liquéfie ; la seconde, au contraire, n’est produite que par une très grande chaleur, puisqu’il prend cette solidité dans l’huile bouillante ou dans le zinc en fusion, et qu’il ne peut ensuite se liquéfier que par une chaleur encore plus grande. Quelle conséquence directe peut-on tirer de la comparaison de ces deux mêmes effets dans des circonstances si opposées, sinon que le mercure participant de la nature de l’eau et de celle du métal, il se gèle, comme l’eau, par le froid d’une part, et de l’autre se consolide, comme fait un métal en fusion par la température actuelle, en ne reprenant sa fluidité, comme tout autre métal, que par une forte chaleur ? Néanmoins, cette conséquence n’est peut-être pas la vraie, et il se peut que cette solidité qu’acquiert le mercure dans l’huile bouillante et dans le zinc fondu provienne du changement brusque d’état que la forte chaleur occasionne dans ses parties intégrantes, et peut-être aussi de la combinaison réelle des parties de l’huile ou du zinc qui en font un amalgame solide.

Quoi qu’il en soit, on ne connaît aucun autre moyen de fixer le mercure ; les alchimistes ont fait de vains et immenses travaux pour atteindre ce but : l’homme ne peut transmuer les substances, ni d’un liquide de nature en faire un solide par l’art ; il n’appartient qu’a la nature de changer les essences[1] et de convertir les éléments, et encore faut-il qu’elle soit aidée de l’éternité du temps, qui, réunie à ses hautes puissances, amène toutes les combinaisons possibles et toutes les formes dont la matière peut devenir susceptible.

Il en est à peu près de même des grandes recherches et des longs travaux que l’on a faits pour tirer le mercure des métaux ; nous avons vu qu’il ne peut pas exister dans les mines primordiales formées par le feu primitif ; dès lors, il serait absurde de s’obstiner à le rechercher dans l’or, l’argent et le cuivre primitifs, puisqu’ils ont été produits et fondus par ce feu : il semblerait plus raisonnable d’essayer de le trouver dans les matières dont la formation est contemporaine ou peu antérieure à la sienne ; mais l’idée de ce projet s’évanouit encore lorsqu’on voit que le mercure ne se trouve dans aucune mine métallique, même de seconde formation, et que le seul fer décomposé et réduit en rouille l’accompagne quelquefois dans sa mine où, étant toujours uni au soufre et à l’alcali, ce n’est et ne peut

  1. Je ne puis donner une entière confiance à ce qui est rapporté dans les Récréations chimiques, par M. Parmentier, t. Ier, p. 339 et suiv. ; c’est néanmoins ce que nous avons de plus authentique sur la transmutation des métaux : on y donne un procédé pour convertir le mercure en or, résistant à toute épreuve, et ce par le moyen de l’acide de tartre. Ce procédé, qui est de Constantin, a été répété par Mayer et vérifié par M. Parmentier, qui a soin d’avancer qu’il n’est pas fait pour enrichir.