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il en est de même de l’étain ; mais il peut aussi se faire à froid avec ces deux métaux, en les réduisant en poudre et les triturant longtemps avec le mercure ; c’est avec cet amalgame de plomb qu’on lute les bocaux ou vases de verre, dans lesquels on conserve les animaux dans l’esprit-de-vin.

L’amalgame avec l’étain est d’un très grand et très agréable usage pour l’étamage des glaces : ainsi des six métaux il y en a quatre, l’or, l’argent, le plomb et l’étain, avec lesquels le mercure s’amalgame naturellement, soit à chaud, soit à froid ; il ne se joint au cuivre que par intermède ; enfin il refuse absolument de s’unir au fer ; et nous allons trouver les mêmes différences dans les demi-métaux.

Le bismuth et le mercure s’unissent à froid en les triturant ensemble ; ils s’amalgament encore mieux lorsque le bismuth est en fusion, et ils forment des cristaux noirs assez réguliers, et qui ont peu d’adhérence entre eux ; mais cette cristallisation du bismuth n’est pas un effet qui lui soit propre et particulier ; car l’on est également parvenu à obtenir par le mercure une cristallisation de tous les métaux avec lesquels il peut s’unir[1].

Lorsqu’on mêle le mercure avec le zinc en fusion, il se fait un bruit de grésillement, semblable à celui de l’huile bouillante dans laquelle on trempe un corps froid ; cet amalgame prend d’abord une sorte de solidité, et redevient fluide par la simple trituration ; le même effet arrive lorsqu’on verse du mercure dans de l’huile bouillante, il y prend même une solidité plus durable que dans le zinc fondu. Néanmoins cette union du zinc et du mercure paraît être un véritable amalgame ; car l’un de nos plus savants chimistes, M. Sage, a reconnu qu’il se cristallise comme les autres amalgames, et, d’ailleurs, le mercure semble dissoudre à froid quelque portion du zinc : cependant cette union du zinc et du mercure paraît être incomplète ; car il faut agiter le bain qui est toujours gluant et pâteux.

On ne peut pas dire non plus qu’il se fasse un amalgame direct, et sans intermède, entre le mercure et le régule d’arsenic, lors même qu’il est en fusion ; enfin le mercure ne peut s’amalgamer d’aucune manière avec l’antimoine et le cobalt : ainsi, de tous les demi-métaux, le bismuth est le seul avec lequel le mercure s’amalgame naturellement ; et qui sait si cette résistance à s’unir avec ces substances métalliques, et la facilité de s’amalgamer avec d’autres, et particulièrement avec l’or et l’argent, ne provient pas de quelques qualités communes dans leur tissu, qui leur permet de s’humecter de cette eau métallique, laquelle a tant de rapport avec eux par sa densité ?

Quoi qu’il en soit, on voit, par ces différentes combinaisons du mercure avec les matières métalliques, qu’il n’a réellement d’affinité bien sensible qu’avec l’or et l’argent, et que ce n’est pour ainsi dire que par force, et par des affinités préparées par le feu, qu’il se joint aux autres métaux, et que même il s’unit plus facilement et plus intimement avec les substances animales et végétales qu’avec toutes les matières minérales, à l’exception de l’or et de l’argent.

Au reste, ce n’est point un amalgame, mais un onguent que forme le mercure mêlé par la trituration avec les huiles végétales et les graisses animales ; elles agissent sur le mercure comme le foie de soufre, elles le divisent en particules presque infiniment petites, et par cette division extrême, cette matière si dense pénètre tous les pores des corps organisés, surtout ceux où elle se trouve aidée de la chaleur, comme dans le corps des animaux sur lequel elle produit des effets salutaires ou funestes, selon qu’elle est administrée.

    7o Cet amalgame de mercure et de plomb se combine avec l’or, l’argent, le cuivre rosette, le laiton, le régule d’antimoine, le zinc et le bismuth ; il les aigrit tous, excepté l’étain, avec lequel il produit un assez beau métal mixte, blanc et ductile. (Note communiquée par M. de Grignon, en octobre 1782.)

  1. Voyez là-dessus les expériences de M. Sage.