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néanmoins est différente des chaux métalliques ; car, quoiqu’elle en ait l’apparence, ce n’est cependant que du mercure chargé d’air pur, et diffère des autres chaux métalliques en ce qu’elle se revivifie d’elle-même et sans addition d’aucune matière inflammable ou autre qui ait plus d’affinité avec l’air qu’il n’en a avec le mercure : il suffit de mettre cette prétendue chaux dans un vaisseau bien clos, et de la chauffer à un feu violent pour qu’en se volatilisant le mercure abandonne l’air avec lequel il n’était uni que par la force d’une longue contrainte, et sans intimité, puisque l’air qu’on en retire est pur, et n’a contracté aucune des qualités du mercure ; que d’ailleurs, en pesant cette chaux, on voit qu’elle rend par sa réduction la même quantité, c’est-à-dire autant d’air qu’elle en avait saisi ; mais, lorsqu’on réduit les autres chaux métalliques, c’est l’air que l’on emporte en lui offrant des matières inflammables, au lieu que, dans celles-ci, c’est le mercure qui est emporté et séparé de l’air par sa seule volatilité[1].

Cette union de l’air avec le mercure n’est donc que superficielle ; et, quoique celle

    brillant métallique, et qui nage toujours à la surface du reste du mercure, sans s’y incorporer : on peut convertir ainsi en entier en poudre rouge une quantité donnée de mercure ; il ne faut que le temps et les vaisseaux convenables. On appelle cette préparation du mercure précipité per se, et on ne peut obtenir cette poudre rouge ou précipité per se qu’en faisant subir au mercure la plus forte chaleur qu’il puisse supporter sans se réduire en vapeurs.

    Ce précipité paraît être une vraie chaux de mercure… d’autant qu’il ne s’est fait que par le concours de l’air ; il ne pèse pas autant que le mercure, puisqu’il nage à sa surface, mais son volume ou pesanteur absolue est augmentée d’environ 1/10. On en peut dégager l’air auquel est due cette augmentation de poids, et faire la réduction de ce précipité ou de cette chaux sans addition dans des vaisseaux clos, dans lesquels le mercure se revivifie ; l’air qui se dégage de cette chaux de mercure est très pur (ce qui est bien différent de l’air qui se dégage des autres chaux métalliques, qui est très corrompu), et il n’y a point de perte de mercure dans cette réduction. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Mercure.

  1. Ayant communiqué cet article à mon savant ami M. de Morveau, aux lumières duquel j’ai la plus grande confiance, je dois avouer qu’il ne s’est pas trouvé de mon avis ; voici ce qu’il m’écrit à ce sujet : « Il paraît que la chaux de mercure est une vraie chaux métallique, dans le sens des chimistes, Stalhiens, c’est-à-dire à laquelle il manque le feu fixe ou phlogistique ; en voici trois preuves directes entre bien d’autres :

    » 1o L’acide vitriolique devient sulfureux avec le mercure ; il n’acquiert cette propriété qu’en prenant du phlogistique ; il ne peut en prendre qu’où il y en a ; le mercure contient donc du phlogistique. Le précipité per se de même avec l’acide vitriolique ne le rend pas sulfureux ; il est donc privé de ce principe inflammable ;

    » 2o L’acide nitreux forme de l’air nitreux avec toutes les matières qui peuvent lui fournir du phlogistique ; cela arrive avec le mercure, non avec le précipité per se : l’un tient donc ce principe, et l’autre en est privé ;

    » 3o Les métaux imparfaits traités au feu en vaisseaux clos avec la chaux du mercure se calcinent pendant qu’il se détruit ; ainsi l’un reçoit ce que l’autre perd. Avant l’opération, le métal imparfait pouvait fournir au nitre le phlogistique nécessaire à sa déflagration ; il ne le peut plus après l’opération. N’est-il pas évident qu’il en a été privé pendant cette opération ? »

    Je conviens avec M. de Morveau de tous ces faits, et je conviendrai aussi de la conséquence qu’il en tire, pourvu qu’on ne la rende pas générale. Je suis bien éloigné de nier que le mercure ne contienne pas du feu fixe et de l’air fixe, puisque toutes les matières métalliques ou terreuses en contiennent ; mais je persiste à penser qu’une explication où l’on n’emploie qu’un de ces deux éléments est plus simple que toutes les autres où l’on a recours à deux ; et c’est le cas de la chaux du mercure, dont la formation et la réduction s’expliquent très clairement par l’union et la séparation de l’air, sans qu’il soit nécessaire de recourir au phlogistique ; et nous croyons avoir très suffisamment démontré que l’accession ou la récession de l’air fixé suffirait pleinement pour opérer et expliquer tous les phénomènes de la formation et de la réduction des chaux métalliques.