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terre contient du mercure ou n’en contient pas, il suffit de mêler de la poudre de cette terre avec de la limaille de fer sur une brique que l’on couvre d’un vase de verre et de mettre du feu sous cette brique : si la terre contient du mercure, on le verra s’élever en vapeurs qui se condenseront, au haut du vase, en petites gouttes de mercure coulant.

Après avoir considéré le mercure dans sa mine, où il fait partie du solide de la masse il faut maintenant l’examiner dans son état fluide. Il a le brillant métallique peut-être plus qu’aucun autre métal, la même couleur ou plutôt le même blanc que l’argent ; sa densité est entre celle du plomb et celle de l’or ; il ne perd qu’un quatorzième de son poids dans une eau dont le pied cube est supposé peser soixante-douze livres, et par conséquent le pied cube de mercure pèse mille huit livres. Les éléments humides ne font sur le mercure aucune impression sensible ; sa surface même ne se ternit à l’air que par la poussière qui la couvre, et qu’il est aisé d’en séparer par un simple et léger frottement ; il paraît se charger de même de l’humidité répandue dans l’air ; mais, en l’essuyant, sa surface reprend son premier brillant.

On a donné le nom de mercure vierge à celui qui est le plus pur et le plus coulant, et qui se trouve quelquefois dans le sein de la terre, après s’être écoulé de sa mine par la seule commotion ou par un simple mouvement d’agitation, sans le secours du feu ; celui que l’on obtient par la sublimation est moins pur, et l’on pourra reconnaître sa grande pureté à un effet très remarquable : c’est qu’en le secouant dans un tuyau de verre, son frottement produit alors une lumière sensible et semblable à l’éclair électrique ; l’électricité est, en effet, la cause de cette apparence lumineuse.

Le mercure répandu sur la surface polie de toute matière avec laquelle il n’a point d’affinité forme, comme tous les autres liquides, de petites gouttes globuleuses par la seule force de l’attraction mutuelle de ses parties : les gouttes du mercure se forment non seulement avec plus de promptitude, mais en plus petites masses, parce qu’étant douze ou quinze fois plus dense que les autres liquides, sa force d’attraction est bien plus grande et produit des effets plus apparents.

Il ne paraît pas qu’une chaleur modérée, quoique très longtemps appliquée, change rien à l’état du mercure coulant[1] ; mais, lorsqu’on lui donne un degré de chaleur beaucoup plus fort que celui de l’eau bouillante, l’attraction réciproque de ses parties n’est plus assez forte pour les tenir réunies ; elles se séparent et se volatilisent, sans néanmoins changer d’essence ni même s’altérer ; elles sont seulement divisées et lancées par la force de la chaleur : on peut les recueillir en arrêtant cet effet par la condensation, et elles se représentent alors sous la même forme et telles qu’elles étaient auparavant.

Quoique la surface du mercure se charge des poussières de l’air et même des vapeurs de l’eau qui flottent dans l’atmosphère, il n’a aucune affinité avec l’eau, et il n’en prend avec l’air que par le feu de calcination : l’air s’attache alors à sa surface et se fixe entre ses pores, sans s’unir bien intimement avec lui et même sans se corrompre ni s’altérer ; ce qui semble prouver qu’il n’y a que peu ou point de feu fixe dans le mercure, et qu’il ne peut en recevoir à cause de l’humidité qui fait partie de sa substance, et même l’on ne peut y attacher l’air qu’au moyen d’un feu assez fort et soutenu pendant plusieurs mois : le mercure, par cette très longue digestion dans des vaisseaux qui ne sont pas exactement clos, prend peu à peu la forme d’une espèce de chaux[2], qui

  1. Boërhaave a soumis dix-huit onces de mercure à cinq cents distillations de suite, et n’y a remarqué, après cette longue épreuve, aucun changement sensible, sinon qu’il lui a paru plus fluide, que sa pesanteur spécifique était un peu augmentée, et qu’il lui est resté quelques grains de matière fixe. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Mercure.
  2. Par la digestion à un degré de chaleur très fort et soutenu pendant plusieurs mois dans un vaisseau qui n’est pas exactement clos, le mercure éprouve une altération plus sensible ; sa surface se change peu à peu en une poudre rougeâtre, terreuse, qui n’a plus aucun