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y sont ou dans une argile durcie et blanchâtre, ou dans de la pierre dure. Ainsi ces trois mines de mercure gisent également dans des ardoises ou des grès, c’est-à-dire dans des collines ou montagnes à couches, formées par le dépôt des eaux, et toutes trois sont si abondantes en cinabre qu’il semble que tout le mercure du globe y soit accumulé[1] ; car les petites mines de ce minéral que l’on a découvertes en quelques autres endroits ne peuvent leur être comparées ni pour l’étendue, ni pour la quantité de la matière, et nous n’en ferons ici mention que pour démontrer qu’elles se trouvent toutes dans des couches déposées par les eaux de la mer, et jamais dans les montagnes de quartz ou dans des rochers vitreux, qui ont été formés par le feu primitif.

En France, on reconnut en 1739, à deux lieues de Bourbonne-les-Bains, deux espèces de terre qui rendirent une trois centième partie de leur poids en mercure ; elles gisaient à quinze ou seize pieds de profondeur sur une couche de terre glaise[2]. À cinq lieues de Bordeaux, près de Langon, il y a une fontaine au fond de laquelle on trouve assez souvent du mercure coulant[3] ; en Normandie, au village de La Chapelle, élection de Saint-Lô, il y a eu quelques travaux commencés pour exploiter une mine de mercure, mais le produit n’était pas équivalent à la dépense, et cette mine a été abandonnée[4] ; enfin, dans quelques endroits du Languedoc, particulièrement à Montpellier, on a vu du mercure dans l’argile à de petites profondeurs, et même à la surface de la terre[5].

En Allemagne, il se trouve quelques mines de mercure dans les terres du Palatinat et du duché de Deux-Ponts[6] ; et, en Hongrie, les mines de Cinabre, ainsi que celles d’Almaden en Espagne, sont souvent accompagnées de mine de fer en rouille, et quelquefois le fer, le mercure et le soufre y sont tellement mêlés qu’ils ne font qu’un même corps[7].

Cette mine d’Almaden est si riche qu’elle a fait négliger toutes les autres mines de mer-

    mines de Guanca-Velica sont abondantes et en grand nombre ; mais, sur toutes ces mines, celle qu’on appelle d’Amador de Cabrera, autrement des Saints, est belle et remarquable ; c’est une roche de pierre très dure, toute semée de vif-argent et de telle grandeur qu’elle s’étend à plus de quatre-vingts vares de longueur et quarante en largeur, en laquelle mine on a fait plusieurs puits et fosses de soixante-dix stades de profondeur… La seule mine de Cabrera est si riche en mercure, qu’on en a estimé la valeur à plus de cinq cent mille ducats. C’est de cette mine de Guanca-Velica qu’on porte le mercure, tant au Mexique qu’au Potosi, pour tirer l’argent des matières qu’on appelait raclures et qu’on rejetait auparavant comme ne valant pas la peine d’être traitées par la fonte. Acosta, Histoire naturelle et morale des Indes, p. 150 et suiv.

  1. La nature a prodigué les mines de mercure en si grande quantité à Idria, qu’elles pourraient non seulement suffire à la consommation de notre partie du monde, mais encore en pourvoir toute l’Amérique si on le voulait et si on ne diminuait pas l’extraction de la mine pour soutenir le mercure à un certain prix. Lettres sur la minéralogie, par M. Ferber, p. 14… On tire tous les ans de la mine d’Almaden cinq ou six mille quintaux de vif-argent pour le Mexique. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 5 et suiv.
  2. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 7.
  3. Lettres de M. l’abbé Belley à M. Hellot. Idem, ibid., p. 51.
  4. Idem, ibid., p. 68.
  5. La colline sur laquelle est bâtie la ville de Montpellier renferme du mercure coulant aussi bien que les terres des environs ; il se trouve dans une terre argileuse jaunâtre et quelquefois grise. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 252. — Depuis le Mas-de-l’Église jusqu’à Oulargues et même jusqu’à Colombières, on trouve une grande quantité d’indices de mines de mercure et on assuré qu’on en voit couler quelquefois d’assez grosses gouttes sur la surface de la terre. La qualité du terroir, au pied de ces montagnes, consiste en roches ardoisées blanchâtres ; elles sont entremêlées de quelques bancs de granit fort talqueux. Idem, t. II, p. 214.
  6. Lettres sur la minéralogie, par M. Ferber, p. 12.
  7. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 5 jusqu’à 29.