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de pierre à cause de sa dureté ; il contient une grande quantité de bitume, et le fond paraît en être de terre limoneuse, parce qu’il laisse après la combustion une scorie vitreuse et boursouflée. Et lorsque le limon ou le terreau se trouve en trop grande quantité ou avec trop peu de bitume, ces charbons ainsi composés ne sont pas de bonne qualité : ils donnent également beaucoup de scories ou mâchefer par la combustion ; mais tous deux sont très bons lorsqu’ils ne contiennent qu’une petite quantité de terre et beaucoup de bitume.

On trouve donc, dans ces immenses dépôts accumulés par les eaux, la matière végétale dans tous ses états de décomposition, et cela seul suffirait pour qu’il y eût des charbons de qualités très différentes : la quantité de cette matière, anciennement accumulée dans les entrailles de la terre, est si considérable, qu’on ne peut en faire l’estimation autrement que par comparaison. Or, une bonne mine de charbon fournit seule plus de matière combustible que les plus vastes forêts, et il n’est pas à craindre que l’on épuise jamais ces trésors de feu, quand même l’homme, venant à manquer de bois, y substituerait le charbon de terre pour tous les usages de sa consommation.

Les meilleurs charbons de France sont ceux du Bourbonnais, de la Bourgogne, de la Franche-Comté et du Hainaut ; on en trouve aussi d’assez bons dans le Lyonnais, l’Auvergne, le Limousin et le Languedoc : ceux qu’on connaît en Dauphiné ne sont que de médiocre qualité[1]. Nous croyons devoir donner ici les notices que nous avons recueillies sur quelques-unes des mines principales qui sont actuellement en exploitation.

On tire d’assez bon charbon de la mine d’Épinac, qui est située en Bourgogne près du village de Résille, à quatre lieues d’Autun : on y connaît plusieurs veines qui se dirigent toutes de l’est à l’ouest, s’inclinant au nord de trente à trente-cinq degrés[2]. Celle qu’on exploite actuellement n’a pas d’épaisseur réglée ; elle a ordinairement sept à huit pieds,

  1. « On m’a envoyé, de Dauphiné, une caisse remplie de mauvais charbon provenant d’une fouille près de Saint-Jean, à deux ou trois lieues de Grenoble, qui est du bois de hêtre très reconnaissable, imparfaitement bituminisé. » Note communiquée par M. de Morveau, le 24 septembre 1779. — « Je connais les différentes espèces de charbon du Dauphiné ; elles sont toutes mauvaises et ne peuvent soutenir la préparation : j’en ai fait une épreuve de trois mille cinq cents livres qui m’a prouvé cette vérité. Celui que j’ai employé était de Vaurappe ; ce n’est qu’une pierre à chaux imbue de bitume et de soufre très volatil ; celui de la Motte ne vaut guère mieux. J’en ai vu une autre mine près de la Grande-Chartreuse, qui annonce une meilleure qualité ; mais elle ne montre que des veinules et des mouches qui se coupent et se perdent dans le rocher ; celui que l’on m’a apporté des montagnes d’Alvard ne vaut rien du tout. » Lettre de M. le chevalier de Grignon à M. de Buffon, datée d’Alvard, le 21 septembre 1778.
  2. La mine de Champagney, près de Béfort en Alsace, est inclinée de quarante-cinq degrés : plus les terrains sont bas, moins généralement les veines de charbon de terre sont inclinées ; elles sont même horizontales dans les pays de plaine, et ce n’est que dans les montagnes qu’elles sont violemment inclinées ; au reste, l’inclinaison des mines n’est nulle part aussi marquée et aussi singulière que dans le pays de Liège. « Les veines de charbon de terre sont communément inclinées à l’horizon, dit M. Morand : tantôt elles s’approchent de la ligne perpendiculaire, et elles se nomment alors pendage de roisse ; tantôt elles sont presque horizontales, et on les désigne alors par le nom de pendage de plature. Toutes ces veines prennent leur origine au jour, c’est-à-dire à la surface de la terre ; elles descendent ensuite dans la même direction jusqu’à une certaine profondeur ; alors elles forment, à une distance plus ou moins grande différents angles, qui les rapprochent insensiblement de la ligne horizontale ; elles remontent ensuite à la surface de la terre, en formant une figure symétrique fort régulière : il y a donc apparence, d’après ces observations, que les pendages de roisse deviennent pendages de plature dans toutes les veines du pays de Liège, et qu’ils redeviennent ensuite pendages de roisse. Ce qu’on observe encore de très singulier, c’est que presque jamais les veines ne marchent seules ; elles sont toujours accompagnées d’autres veines qui marchent parallèlement avec elles, qui se fléchissent sur les