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Les acides végétaux, et en particulier celui du vinaigre, attaquent et dissolvent le plomb ; c’est en l’exposant à la vapeur du vinaigre qu’on le convertit en chaux blanche, et c’est de cette manière que l’on fait la céruse qui est dans le commerce : cette chaux ou céruse se dissout parfaitement dans le vinaigre concentré ; elle y produit même une grande quantité de cristaux dont la saveur est sucrée[1] ; on a souvent abusé de cette propriété de la céruse et des autres chaux, ou sels de plomb, pour adoucir le vin au détriment de la santé de ceux qui le boivent. Au reste, l’on ne doit pas regarder la céruse comme une chaux de plomb parfaite, mais comme une matière dans laquelle le plomb n’est qu’a demi dissous ou calciné par l’acide aérien, et reste encore plutôt dans l’état métallique que dans l’état salin ; en sorte qu’elle n’est pas soluble dans l’eau comme les sels.

Le plomb se dissout aussi dans l’acide du tartre, à l’aide de la chaleur et d’une longue digestion : si l’on fait évaporer cette dissolution, elle prend une consistance visqueuse et donne un sel cristallisé en lames carrées[2] ; enfin, les acerbes ne laissent pas d’avoir aussi quelque action sur le plomb, car la noix de galle le précipite de sa dissolution dans l’acide nitreux, et la surface de la liqueur se couvre en même temps d’une pellicule à reflets rouges et verts.

Les alcalis fixes et volatils, non plus que les terres absorbantes, ne font pas des effets bien sensibles sur le plomb, dans quelque état qu’il soit ; néanmoins, ils ont avec ce métal une affinité bien marquée dans certaines circonstances : par exemple, ils le précipitent de sa dissolution dans l’acide marin, sous la forme d’une poudre blanche qui se ternit bientôt à l’air comme le métal même[3].

En comparant les mines primordiales des six métaux, nous voyons que l’or seul se trouve presque toujours en état de métal dans le sein de la terre, que, quoiqu’il n’y soit jamais pur, mais allié de plus ou moins d’argent ou de cuivre, il ne se présente que rarement sous une forme minéralisée, et qu’il recouvre et défend l’argent de toute altération : on assure cependant que l’or est vraiment minéralisé dans la mine de Naghiac[4], et dans

  1. « L’acide acéteux en vapeurs agit sur le plomb et le réduit en chaux : si l’on assujettit dans un chapiteau de verre des lames de plomb minces, que l’on adapte ce chapiteau à une cucurbite évasée, dans laquelle on aura mis du vinaigre, et qu’après avoir luté un récipient, on le distille au bain de sable pendant dix ou douze heures, les lames se couvrent d’une matière blanche que l’on appelle blanc de plomb et qui, broyée avec un tiers ou environ de craie, forme la céruse… Pour achever de le saturer, on met le blanc de plomb dans un matras, on verse dessus douze à quinze fois autant de vinaigre distillé ; le mélange prend une saveur sucrée, la substance métallique entre en dissolution, il s’excite beaucoup de chaleur ; on place le matras sur un bain de sable, et on laisse le tout en digestion pendant un jour. Après avoir décanté la liqueur, on la fait évaporer jusqu’à la pellicule, on la place dans un lieu frais, il s’y forme de petits cristaux groupés en aiguilles, on les redissout dans le vinaigre, et on traite de même cette dissolution pour avoir le sucre de Saturne. » Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 28.
  2. Idem, ibid., p. 82.
  3. L’alcali caustique n’a presque point d’action sur le plomb, mais il dissout, pendant l’ébullition, une quantité très sensible de minium qui n’en est pas séparée par le filtre, qui se dépose avec le temps dans le flacon sous forme d’une poudre blanche, et qui est précipitée sur-le-champ par l’eau-forte. Idem, ibid., p. 28.

    L’alcali volatil caustique, digéré sur la limaille de plomb, prend dans les premiers jours une couleur légèrement ambrée, qui disparaît ensuite entièrement ; une partie du métal est réduite à l’état de chaux, une autre partie est tenue en dissolution au point de passer par le filtre, elle est précipitée par l’acide nitreux. Idem, ibid., p. 256.

  4. M. Bergman, à qui M. Tungberg a envoyé un morceau de cette mine de Naghiac, s’est assuré qu’il contenait du quartz blanc, une pierre arénaire blanchâtre, se coupant au couteau, faisant effervescence avec les acides, et de la manganèse. La formation de cette mine ne doit donc être regardée que comme accidentelle.