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toujours exposée à l’air, à un certain degré de feu, elle prend une belle couleur rouge, et dans cet état on lui donne le nom de minium ; je dis à un certain degré de feu, car un feu plus fort ou plus faible ne changerait pas le massicot en minium ; et ce feu constant et nécessaire pour lui donner une belle couleur rouge est de cent vingt degrés[1] ; car, si l’on donne à ce même minium une chaleur plus grande ou moindre, il perd également son beau rouge, redevient jaune et ne reprend cette couleur rouge qu’au feu de cent vingt degrés de chaleur. C’est à M. Geoffrin qu’est due cette intéressante observation, et c’est à M. Jars[2] que nous devons la connaissance des pratiques usitées en Angleterre pour faire le minium en grande quantité, et par conséquent à moindres frais qu’on ne le fait ordinairement.

  1. Division du thermomètre de Réaumur.
  2. Il y a deux fabriques de minium dans le comté de Derby, l’une auprès de Chesterfield, et l’autre aux environs de la ville de Wiskworth. Le fourneau pour cette opération est un réverbère à deux chauffes, renfermées sous une seule et même voûte… On y fait usage de charbon de terre… On emploie communément quinze quintaux ou dix lingots de plomb dans une opération…

    On commence par mettre en dedans, et devant l’embouchure du fourneau, le grossier de la matière jaune qui est resté au fond de la bassine dans le lavage, ce qui empêche le plomb de couler au dehors du fourneau. On introduit le plomb dans le fourneau, et, dès qu’il est fondu, on l’agite continuellement ; à mesure qu’il se réduit en chaux, on le tire de côté, et on continue jusqu’à ce que le tout soit converti en poudre, ce qui arrive ordinairement au bout de quatre ou cinq heures. S’il reste encore quelques morceaux de plomb, on les conserve pour une autre opération. On donne une chaleur vive pendant tout le temps de cette conversion ; cependant elle ne donne qu’un rouge de cerise très foncé, car les deux ouvertures des chauffes et l’embouchure du fourneau sont toujours ouvertes, afin que le contact de l’air accélère la calcination…

    Il faut plus que les quatre ou cinq heures qui convertissent le plomb en chaux pour qu’il soit réduit en poudre jaune : ainsi on le laisse encore près de vingt-quatre heures dans le fourneau ; mais on ne le remue pas souvent dès qu’il est une fois en poudre, seulement autant qu’il le faut pour empêcher qu’il ne se mette en grumeaux ou ne se fonde en masse. Quand on juge la chaux de plomb assez calcinée, on la tire hors du fourneau avec un râble de fer, et on la fait tomber sur un pavé uni, on fait couler de l’eau fraîche par-dessus pour diviser la chaux qui peut être grumelée, et la rendre assez friable pour passer au moulin, et on continue jusqu’à ce qu’elle soit imbibée et bien refroidie : cette matière étant encore chaude ressemble beaucoup à la litharge, et, lorsqu’elle est froide, elle est d’une couleur jaune sale. Cette matière jaune est mise dans un moulin pour y être broyée en y versant de l’eau, et à mesure qu’elle se broie, elle tombe dans une cuve placée pour la recevoir au bas du moulin ; mais, comme cette matière n’est pas également broyée, on la passe dans un tonneau plein d’eau pour y être lavée à l’aide d’une bassine de cuivre qu’on remplit à moitié de chaux de plomb, et qu’on agite de manière que la matière broyée la plus fine se mêle à toute l’eau du tonneau et se précipite au fond, tandis que celle qui n’est pas divisée suffisamment reste dans la bassine, et sert pour être placée, comme on l’a déjà dit, devant l’embouchure intérieure du fourneau pour être calcinée de nouveau avec le plomb… On continue de procéder de la même manière pour le moulin et pour le lavage, jusqu’à ce que toute la matière jaune, provenue de la première calcination, ait été entièrement passée. Lorsque le lavage est fait, on laisse précipiter au fond du tonneau la matière qui est suspendue dans l’eau par sa grande division, ensuite on verse l’eau pour retirer le précipité auquel on donne la couleur rouge par l’opération suivante. On introduit cette matière précipitée ou chaux de plomb dans le milieu du fourneau, on en forme un seul tas que l’on aplatit, et sur cet aplatissement on fait des raies ou sillons, et on ne remue la matière que pour l’empêcher de s’agglutiner ; et c’est par cette dernière opération qu’on lui donne la couleur rouge. Il faut trente-six ou quarante-huit heures de feu avec du charbon de terre, comme dans la première calcination, et on retire ensuite la matière toute chaude ; elle paraît alors d’un rouge très foncé, mais elle prend, en se refroidissant, le beau rouge du minium. M. Jars, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1770, p. 68 et suiv.