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Ces derniers mots semblent indiquer que M. de Gensane soupçonne avec raison que le feu a eu part à la formation de cette mine singulière ; s’il n’y a pas eu de fonderies dans ces lieux, il y a eu des forêts, et très probablement des incendies, ou bien on doit supposer quelque ancien volcan dont le feu aura calciné la plus grande partie de la mine, et l’aura réduite en chaux blanche, en scories, en litharge, dans lesquelles certaines parties se seront revivifiées en métal, au moyen des matières inflammables qui servaient d’aliments à l’incendie ; cette mine est donc de dernière formation : comme elle gît en grande partie sous la pierre calcaire, elle n’a pas été produite par le feu primitif, qui d’ailleurs l’aurait entièrement réduite en chaux, et n’y aurait pas laissé du métal ; ce n’est donc qu’une mine ordinaire, qui a seulement été dénaturée accidentellement par le feu souterrain d’un ancien volcan, ou par de grands incendies à la surface du terrain.

Et non seulement le feu a pu former ces mines de plomb en chaux blanche ; mais l’eau peut aussi les produire : la céruse, que nous voyons se former à l’air sous les plombs qui y sont exposés, est une vraie chaux de ce métal, qui, étant entraînée, transportée et déposée en certains endroits de l’intérieur de la terre par la stillation des eaux, s’accumule en masses ou en veines, sous une forme plus ou moins concrète. La mine de plomb blanche n’est qu’une céruse cristallisée, également produite par l’eau ; il n’y a de différence qu’en ce que la céruse naturelle est plus mêlée de parties terreuses : ces mines de céruse, les plus nouvelles de toutes, se forment tous les jours, comme celles du fer en rouille, par les détriments de ces métaux.

Les mines de plomb vitreuses et cristallisées, qui proviennent de la décomposition des galènes, prennent différentes couleurs par le contact ou l’union des différentes substances métalliques qu’elles rencontrent ; le fer leur donne une couleur rouge, et, selon M. Monnet, il les colore aussi quelquefois en vert : cet observateur dit avoir remarqué, dans les mines de plomb de la Croix en Lorraine[1], un grand nombre de cristaux de plomb vert dans les cavités de la gangue de cette mine, qui n’est qu’une mine de fer grisâtre ; d’où il conclut que les cristaux verts de plomb peuvent être formés de la décomposition de la galène par le fer. La galène elle-même peut se régénérer dans les mines de plomb qui sont en état de céruse ou de chaux blanche : on peut le démontrer, tant par la forme fistuleuse de ces galènes qu’on appelle plomb noir, que par plusieurs morceaux de mines dans lesquels la base des cristaux est encore de plomb blanc, seulement un peu rougeâtre, et dont la partie supérieure est convertie en galène.

En général, les mines de plomb tiennent presque toutes une petite quantité d’argent ; elles sont aussi très souvent mêlées de fer et d’antimoine[2], et quelquefois de cuivre[3] ; mais l’on n’a qu’un seul exemple de mine de plomb tenant du zinc[4] ; et de même que l’on

    métal plus ou moins gros, qui se laissent entamer au couteau et sont réellement du plomb. Il y a beaucoup de mines de plomb en galène aux environs de l’Argentière ; elles ont été exploitées dans le temps des croisades comme mines d’argent ; c’est même, à ce que l’on dit, ce qui a donné le nom à la ville : il n’y a point de vestiges d’anciens volcans dans ces deux montagnes, et ces matières de plomb, qui ont évidemment éprouvé l’action du feu, sont peut-être les restes d’anciennes exploitations ou le produit de la fusion des mines de galène par l’incendie des forêts qui couvraient ces montagnes.

  1. Observations sur une mine de plomb, par M. Monnet.
  2. Il y a du plomb qui, dans la mine, est mêlé avec de l’antimoine et qui en conserve encore après la fonte. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1733, p. 313.
  3. Il se trouve des mines de plomb cuivreuses, et le plomb qu’on en retire conserve toujours quelques impressions du cuivre. Idem, ibidem.
  4. Il y a près de Goslar une mine de plomb qui contient une assez grande quantité de zinc… mais on croit communément que c’est la seule mine en Europe qui en contienne. Idem, ibidem.