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peut qu’altérer les métaux, surtout le fer que la petite quantité d’acide sulfureux suffit pour rendre aigre et cassant. Le charbon pierreux ne se trouve pas dans le centre des veines, à moins qu’elles ne soient fort minces : il est ordinairement situé le long des parois et sur le fond des bancs pierreux qui forment le toit et le sol de la veine. Les charbons schisteux sont de même situés sur le sol ou sous le toit schisteux de la veine : ces charbons pierreux ou schisteux ne sont pas d’un meilleur usage que le charbon pyriteux, et ils ont encore le désavantage de ne pouvoir être épurés à cause de la grande quantité de leurs parties pierreuses ou schisteuses ; il ne reste donc, à vrai dire, que le charbon de la première sorte, c’est-à-dire le charbon pur, dont on puisse faire une matière avantageusement combustible et propre à remplacer le charbon de bois dans tous les emplois qu’on en peut faire.

Et dans ce charbon de la première sorte et le meilleur de tous, on distingue encore celui qui se tire en gros blocs que l’on appelle charbon pérat, dont la qualité est néanmoins la même que celle du charbon plus menu[1], qui se nomme charbon maréchal ; le charbon pérat a pris ce nom aux mines de Rive-de-Gier, et il n’est ainsi appelé que quand il est en gros morceaux. C’est par cette seule raison de son gros volume qu’il est plus estimé pour les grilles des teintures et des fourneaux ; mais il n’est pas pour cela d’une qualité supérieure au charbon maréchal, car l’un et l’autre se tirent de la même veine, et l’on distingue par le volume trois sortes de charbon : le pérat est celui qui arrive à la superficie du terrain en gros morceaux et sans être brisé ; le second, qui est en morceaux de médiocre grosseur, se nomme charbon grêle ; et ce n’est que celui qui est émietté ou qui est composé des débris des deux autres qu’on appelle charbon maréchal. Le bon charbon pèse de cinquante-cinq à soixante livres le pied cube ; mais cette estimation est difficile à faire avec précision, surtout pour le charbon qui se brise en le tirant : les charbons les plus pesants sont souvent les plus mauvais, parce que leur grande pesanteur ne vient que de la grande quantité des parties pyriteuses, terreuses ou schisteuses qu’ils contiennent ; les charbons trop légers pèchent par un autre défaut, c’est de ne donner que peu de chaleur en brûlant et de se consumer trop vite. Pour que la qualité du charbon soit parfaite, il faut que la matière végétale qui en fait le fond ait été bituminisée dans son premier état de décomposition, c’est-à-dire avant que cette substance ait été décomposée par la pourriture, car, quand le végétal est trop détruit, l’acide ne peut en bituminiser l’huile qui n’y existe plus. Cette matière végétale, qui n’a subi que les premiers effets de la décomposition, aura dès lors conservé toutes ses parties combustibles ; et le bitume qui par lui-même est une huile inflammable, couvrant et pénétrant cette substance végétale, le composé de ces deux matières doit contenir, sous le même volume, beaucoup plus de parties combustibles que le bois : aussi la chaleur du charbon de terre est-elle bien plus propre et plus durable que celle du charbon végétal.

Ce que je viens de dire au sujet de la décomposition plus ou moins grande de la matière végétale dans les charbons de terre peut se démontrer par les faits : on trouve au-dessus de quelques mines de charbon des bois fossiles, dans lesquels l’organisation est encore très reconnaissable ; mais, à mesure qu’on descend, les traits de cette organisation s’oblitèrent, et il n’en reste que peu ou point d’indices dans la suite de la veine. Il arrive souvent que cette bonne veine porte sur une autre veine de mauvais charbon terreux et pourri, parce que sa substance végétale, s’étant pourrie trop promptement, n’a pu s’imprégner. On doit donc ajouter cette cinquième sorte de charbon aux quatre premières sous le nom de charbon terreux, parce qu’en effet sa substance n’est qu’un terreau pourri. Enfin une sixième sorte est le charbon le plus compact, que l’on pourrait appeler charbon

  1. Charbon pérat est une dénomination locale qui signifie charbon pierreux ou charbon de pierre.