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et en cubes plus réguliers ; le quartz est ordinairement mêlé avec ces galènes de première formation : c’est leur gangue naturelle, parce que la substance du plomb en état de chaux a primitivement été déposée dans les fentes du quartz, où l’acide est ensuite venu la saisir et la minéraliser. Souvent cette substance du plomb s’est trouvée mêlée avec d’autres minerais métalliques ; car les galènes contiennent communément du fer et une petite quantité d’argent[1], et dans leurs groupes on voit souvent de petites masses interposées qui sont purement pyriteuses, et ne contiennent point de plomb.

Comme ce métal se convertit en chaux, non seulement par le feu, mais aussi par les éléments humides, on trouve quelquefois dans le sein de la terre des mines en céruse, qui n’est qu’une chaux de plomb produite par l’acide de l’humidité : ces mines en céruse ne sont point pyriteuses comme la galène ; presque toujours on les trouve mêlées de plusieurs autres matières métalliques qui ont été décomposées en même temps, et qui toutes sont de troisième formation. Car, avant cette décomposition du plomb en céruse, on peut compter plusieurs degrés et nuances par lesquels la galène passe de son premier état à des formes successives : d’abord elle devient chatoyante à sa surface, et à mesure qu’elle avance dans sa décomposition, elle perd de son brillant, et prend des couleurs rougeâtres et verdâtres. Nous parlerons dans la suite de ces différentes espèces de mines, qui toutes sont d’un temps bien postérieur à celui de la formation de la galène, qu’on doit regarder comme la mère de toutes les autres mines de plomb.

La manière de traiter ces mines en galène, quoique assez simple, n’est peut-être pas encore assez connue. On commence par concasser le minerai, on le grille ensuite en ne lui donnant d’abord que peu de feu ; on l’étend sur l’aire d’un fourneau qu’on chauffe graduellement ; on remue la matière de temps en temps, et d’autant plus souvent qu’elle est en plus grande quantité. S’il y en a 20 quintaux, il faut un feu gradué de cinq ou six heures ; on jette de la poudre de charbon sur le minerai afin d’opérer la combustion des parties sulfureuses qu’il contient ; ce charbon, en s’enflammant, emporte aussi l’air fixe de la chaux métallique ; elle se réduit dès lors en métal coulant à mesure qu’on remue le minerai et qu’on augmente le feu ; on a soin de recueillir le métal dans un bassin où l’on doit le couvrir aussi de poudre de charbon pour préserver sa surface de toute calcination : on emploie ordinairement quinze heures pour tirer tout le plomb contenu dans vingt quintaux de mine, et cela se fait à trois reprises différentes ; le métal provenant de la première coulée, qui se fait au bout de neuf heures de feu, se met à part lorsque la mine de plomb contient de l’argent ; car, alors, le métal qu’on recueille à cette première coulée en contient plus que celui des coulées subséquentes. La seconde coulée se fait après trois autres heures de feu ; elle est moins riche en argent que la première ; enfin la troisième et dernière, qui est aussi la plus pauvre en argent, se fait encore trois heures après ; et cette manière d’extraire le métal à plusieurs reprises est très avantageuse dans les travaux en grand, parce que l’on concentre, pour ainsi dire, par cette pratique, tout l’argent dans la première coulée, surtout lorsque la mine n’en contient qu’une petite quantité : ainsi l’on n’est pas obligé de rechercher l’argent dans la masse entière du plomb, mais seulement dans la portion de cette masse qui est fondue la première[2].

Nous avons en France plusieurs mines de plomb, dont quelques-unes sont fort abondantes et en pleine exploitation : celles de La Croix en Lorraine donnent du plomb, de l’argent et du cuivre. Celle de Hargenthen, dans la Lorraine allemande, est remarquable en ce

  1. On ne connaît guère que la mine de Willach, en Carinthie, qui ne contienne point d’argent ; et on a remarqué qu’assez ordinairement, plus les grains de la galène sont petits, et plus le minerai est riche en argent.
  2. Observations métallurgiques de M. Jars ; Mém. de l’Académie des sciences, année 1770, p. 515.