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mines sont très dures et très difficiles à fondre. La plupart des mines de Cornouailles en Angleterre, celles de Bohême et quelques-unes de la Saxe sont de cette nature ; elles se trouvent quelquefois mêlées de mines en cristaux ; mais d’ordinaire ces mines en pierres sont seules et se trouvent en filons, en couches, en rognons, en grenailles : souvent le roc qui les renferme est si dur qu’on ne peut le faire éclater qu’en le pétardant avec la poudre, et qu’on est quelquefois obligé de le calciner auparavant pour l’attendrir, en faisant un grand feu pendant plusieurs jours dans l’excavation de la mine ; ensuite, lorsqu’on a tiré les blocs, on est obligé de les faire griller avant de les broyer sous le bocard, où la mine se lave en même temps qu’elle se réduit en poudre ; et il faut encore faire griller cette poudre métallique avant qu’on ne puisse la réduire en métal.

Si la mine d’étain, ce qui est assez rare, se trouve mêlée d’argent, on ne peut séparer ces deux métaux qu’en faisant vitrifier l’étain[1] ; si elle est mêlée de minerai de cuivre, la mine d’étain, plus pesante que celle de cuivre, s’en sépare par le lavage ; mais, lorsqu’elle est mêlée avec la mine de fer, on n’a pas trouvé d’autre moyen de séparer ces deux métaux qu’en les broyant à sec, et en tirant ensuite le fer au moyen de l’aimant.

Après que le minerai d’étain a été grillé et lavé, on le porte au fourneau de fusion qu’on a eu soin de bien chauffer auparavant ; on le remplit en parties égales de charbon et de mine humectée ; on donne le feu pendant dix ou douze heures, après quoi l’on perce le creuset du fourneau pour laisser couler l’étain qu’on reçoit dans des lingotières ; on recueille aussi les scories pour les refondre et en retirer le métal qu’elles ont retenu, et qu’on ne peut obtenir en entier que par plusieurs fusions. En Saxe, l’on fond ordinairement dix-huit ou vingt quintaux de mines en vingt-quatre heures, mais il est très nécessaire de faire bien griller et calciner le minerai avant de le porter au fourneau de fusion, afin d’en faire sublimer, autant qu’il est possible, l’arsenic qui s’y trouve si intimement mêlé qu’on n’a pu trouver encore les moyens de l’enlever en entier et de le séparer parfaitement de l’étain ; et, comme les mines de ce métal sont toutes plus ou moins arsenicales, il faut non seulement les griller, les broyer et les laver une première fois, mais réitérer ces mêmes opérations deux, trois et quatre fois, selon que le minerai est plus ou moins chargé d’arsenic, qui, dans l’état de nature, paraît faire partie constituante de ces mines : ainsi l’étain et l’arsenic, dès les premiers temps de la formation des mines par l’action du feu primitif, ont été incorporés ensemble ; et, comme il ne faut qu’un très médiocre degré de chaleur pour tenir l’étain en fusion, il aura été entièrement calciné par la violente chaleur du feu primitif, et c’est par cette raison qu’on ne le trouve nulle part dans le sein de la

  1. De tous les moyens que l’on indique pour séparer l’argent de l’étain, le meilleur et le plus simple est d’employer le fer. M. Grosse a trouvé ce moyen en essayant une sorte de plomb, pour voir s’il pouvait être employé aux coupelles, car on s’était aperçu qu’il était allié d’étain. Il jeta dessus de la limaille de fer, et donna un bon feu… En peu de temps, le plomb se couvrit d’une nappe formée par l’étain et le fer ; alors il est bon d’ajouter un peu de sel alcali fixe pour faciliter la séparation de ces scories d’avec le régule. Cette pratique peut être employée à séparer l’étain de l’argent ; mais, avant d’y ajouter le fer, il faut y mettre le plomb, sans quoi la fonte se ferait difficilement et même imparfaitement, parce que l’étain se calcinerait sans se séparer de l’argent. Il n’y a point de meilleur moyen de remédier aux coupelles dont le plomb se hérisse ou végète à l’occasion de l’étain.

    Mais si on avait de l’or et de l’argent alliés d’étain, il faudrait calciner vivement ces métaux dans un creuset, afin de vitrifier l’étain et ensuite, pour enlever ce verre d’étain, ou même pour perfectionner sa vitrification, il suffirait de jeter dans le creuset un peu de verre de plomb. M. Grosse, cité par M. Hellot dans le Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 226. — Ce procédé pour la calcination de l’étain ne peut se faire dans un creuset que très lentement et par une manœuvre pénible, au lieu que cette opération se fait facilement, promptement et complètement sur un test à rôtir. Note communiquée par M. de Morveau.