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DE L’ÉTAIN


Ce métal, le plus léger de tous[1], n’est pas à beaucoup près aussi répandu que les cinq autres ; il paraît affecter des lieux particuliers, et dans lesquels il se trouve en grande quantité ; il est aussi très rarement mêlé avec l’argent, et ne se trouve point avec l’or ; nulle part il ne se présente sous sa forme métallique[2], et, quoiqu’il y ait d’assez grandes variétés dans ses mines, elles sont toutes plus ou moins mêlées d’arsenic. On en connaît deux sortes principales : la mine en pierre vitreuse ou roche quartzeuse, dans laquelle l’étain est disséminé, comme le fer l’est dans ses mines primordiales ; et la mine cristallisée qui est ordinairement plus riche que la première.

Les cristaux de ces mines d’étain sont très apparents, très distincts, et ont quelquefois plus d’un pouce de longueur. Dans chaque minière, et souvent dans la même, ils sont de couleurs différentes ; il y en a de noirs, de blancs, de jaunes et de rouges comme le grenat ; les cristaux noirs sont les plus communs et les plus riches en métal : il paraît que le foie de soufre, qui noircit la surface de l’étain, a eu part à la minéralisation de mines en cristaux noirs ; quelques-unes de ces mines donnent soixante-dix, et jusqu’à quatre-vingts livres d’étain par quintal[3]. Les cristaux blancs pèsent plus qu’aucun des autres, et cependant ils ne rendent que trente ou quarante livres de métal pour cent ; dans les mines de Saxe, les cristaux rouges et les jaunes sont plus rares que les noirs et les blancs : toutes ces mines en cristaux se réduisent aisément en étain, par la simple addition de quelques matières inflammables, ce qui démontre que ce ne sont que des chaux, c’est-à-dire du métal calciné, et qui s’est ensuite cristallisé par l’intermède de l’eau.

Dans la seconde sorte de mines d’étain, c’est-à-dire celles qui sont en pierre ou roche, le métal, ou plutôt la chaux de l’étain est si intimement incorporée avec la pierre, que ces

  1. Le pied cube d’étain pur de Cornouailles, fondu et non battu, pèse, suivant M. Brisson, 510 livres 6 onces 2 gros 68 grains, et lorsque ce même étain est battu ou écroui, le pied cube pèse 510 livres 15 onces 2 gros 45 grains ; ce qui démontre que ce métal n’est que peu susceptible de compression. L’étain de Melac ou de Malaca, fondu et non battu, pèse le pied cube 510 livres 11 onces 6 gros 61 grains, et lorsqu’il est battu ou écroui, il pèse 510 livres 7 onces 2 gros 17 grains : ainsi cet étain de Malaca peut se comprimer un peu plus que l’étain de Cornouailles. La pesanteur spécifique de l’étain fin et de l’étain commun est beaucoup plus grande, parce que ces étains sont plus ou moins alliés de cuivre et de plomb.
  2. Quelques auteurs ont écrit qu’on avait trouvé des morceaux d’étain natif dans les mines d’étain de Bohême et de Saxe, mais cela est très douteux ; et l’étain que l’on voit dans les Cabinets sous le nom d’étain natif, qui a une figure de stalactite non cylindrique, mais ondulée ou bouillonnée et argentine, et qu’on prétend qui se trouve dans la presqu’île de Malaca, nous paraît formé par le feu des volcans. Bomare, Minéralogie, t. II, article de l’Étain.
  3. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 215.