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le déchet au raffinage est d’autant moindre[1] que la quantité qu’on raffine à la fois est plus grande ; et cela par une raison générale et très simple, c’est qu’un grand volume offrant à proportion moins de surface qu’un petit, l’action destructive de l’air et du feu qui porte immédiatement sur la surface du métal emporte, calcine ou brûle moins de parties de la masse en grand qu’en petit volume : au reste, nous n’avons point encore en France d’assez grands fourneaux de fonderie pour raffiner le cuivre avec profit ; les Anglais ont non seulement établi plusieurs de ces fourneaux[2], mais ils ont en même temps construit des machines pour laminer le cuivre afin d’en revêtir leurs navires. Au moyen de ces grands fourneaux de raffinage, ils tirent bon parti des cuivres bruts qu’ils achètent au Chili, au Mexique, en Barbarie et à Mogador ; ils en font un commerce très avantageux, car c’est d’Angleterre que nous tirons nous-mêmes la plus grande partie des cuivres dont on se sert en France et dans nos colonies ; nous éviterons donc cette perte, nous gagnerons même beaucoup si l’on continue de protéger l’établissement que M. de Limare[3].

  1. Un raffinage de cinquante quintaux de cuivre noir rend ordinairement quarante-cinq à quarante-six quintaux de cuivre rosette, ce qui fait un déchet de huit ou neuf pour cent ; mais ce déchet n’est qu’apparent, puisque, par des essais réitérés, on a reconnu que son déchet réel n’était que de quatre et demi pour cent, parce qu’il reste toujours beaucoup de cuivre dans les crasses ; on sait que, dans quelques fourneaux que ce soit, les scories provenant du raffinage sont toujours riches en cuivre : il est prouvé que le cuivre fait environ un pour cent moins de déchet dans le fourneau à manche que sur les petits foyers, et on peut attribuer cette différence à ce que l’on perfectionne dans une seule opération une quantité de cuivre qui en exige au moins vingt sur le petit foyer ; on sait que l’on ne peut raffiner du cuivre sans qu’il n’y en ait toujours un peu qui se scorifie avec les matières qui lui sont étrangères : plus le volume est grand, plus la quantité qui se scorifie est petite à proportion… Il est prouvé que la dépense du grand fourneau est moindre de deux tiers de celle qu’exige en charbon le raffinage sur les petits foyers… Le fourneau de Chessy, dans le Lyonnais, à raffiner le cuivre, a plus de chaleur que n’en ont ceux d’Allemagne… Celui de Gruenthal, en Saxe, consomme quatre cent trente-huit pieds cubes de bois de corde, et environ vingt-quatre pieds de charbon pour raffiner quarante quintaux de cuivre noir ; à Tayoba, en Hongrie, on consomme deux cent vingt pieds cubes de bois de corde pour raffiner cinquante quintaux de cuivre noir, auxquels on ajoute trois ou quatre quintaux de plomb, qui se scorifient en pure perte : on sait encore que dix livres de plomb scorifient environ une livre de cuivre. M. Jars, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1769, p. 602 et 603.
  2. On raffine aujourd’hui le cuivre dans de grands fourneaux à réverbère, à l’aide du vent d’un soufflet qu’une roue hydraulique fait mouvoir ; on n’y emploie que du charbon de terre naturel. Chaque raffinage est de quatre-vingts quintaux, et dure quinze à seize heures. On fait ordinairement trois raffinages de suite dans le même fourneau par semaine ; on le laisse refroidir, et on le répare pour la semaine suivante. Quand les opérations sont considérables, il faut avoir trois de ces fourneaux, dont un est toujours en réparation lorsque les autres sont en feu. En se bornant à mille quintaux de fabrication par mois, il suffit d’un de ces fourneaux à réverbère. Mémoire sur l’établissement d’une fonderie et d’un laminoir de cuivre, communiqué à M. de Buffon par M. de Limare.
  3. Les ordres du ministre pour doubler les vaisseaux en cuivre, dit M. de Limare, font prendre le parti d’établir des fourneaux de fonderie et des laminoirs à Nantes, où l’on ferait amener de Cadix les cuivres bruts du Chili et de toute l’Amérique, ainsi que ceux de Mogador et de la Barbarie ; on pourrait même tirer ceux du Levant qui viennent à Marseille, car Nantes est le port du royaume qui expédie et qui reçoit le plus de navires de Cadix, de la Russie et de l’Amérique septentrionale ; il est aussi le plus à portée des mines de charbon de terre et des débouchés d’Orléans et de Paris, ainsi que des arsenaux de Rochefort, de Lorient et de Brest.

    La consommation du cuivre ne peut qu’accroître, avec le temps, par la quantité de nitrières qu’on établit dans le royaume, par le doublage des navires que l’on commence à