Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les mauvais effets de toutes ces exhalaisons peuvent être prévenus en purifiant l’air par le feu, et surtout en lui donnant une grande et libre circulation. Souvent les ventilateurs et les puits d’air ne suffisent pas ; il faut établir dans les mines des fourneaux d’aspiration. Au reste, ce n’est guère que dans les mines où le charbon est très pyriteux que ce feu grieux s’allume, et l’on a observé qu’il est plus fréquent dans celles où les eaux croupissent ; mais, dans les mines de charbon purement bitumineux ou peu mélangé de parties pyriteuses, cette vapeur inflammable ne se manifeste point et n’existe peut-être pas.

Comme il y a plusieurs charbons de terre qui sont extrêmement pyriteux, les embrasements spontanés sont assez fréquents dans leurs mines ; et, quand une fois le feu s’est allumé, il est non seulement durable, mais perpétuel : on en a plusieurs exemples, et l’on a vainement tenté d’arrêter le progrès de cet incendie souterrain dont l’effet peu violent n’est pas accompagné de fortes explosions, et n’est nuisible que par la perte du charbon qu’il consume. Souvent ces mines ont été enflammées par les vapeurs mêmes qu’elles exhalent, et qui prennent feu à l’approche des chandelles allumées pour éclairer les ouvriers[1][NdÉ 1].

Dans le travail des mines de charbon de terre, l’on est toujours plus ou moins incommodé par les eaux : les unes y coulent en sources vives, les autres n’y tombent qu’en suintant par les fentes des rochers et des terres supérieures, et les mineurs les plus expérimentés assurent que plus ils creusent, plus les eaux diminuent, et qu’elles sont plus abondantes vers la superficie. Cette observation est conforme aux idées qu’on doit avoir de la quantité des eaux souterraines, qui, ne tirant leur origine que des eaux pluviales, sont d’autant plus abondantes qu’elles ont moins d’épaisseur de terre à traverser ; et ce ne doit être que quand on laisse tomber les eaux des excavations supérieures dans les travaux inférieurs qu’elles paraissent être en plus grande quantité à cette profondeur plus grande ; enfin on a aussi observé que l’étendue superficielle et la direction des suintements et du volume des sources souterraines varient selon les différentes couches des matières où elles se trouvent[2].

  1. La vapeur sulfureuse qui s’élève de certaines mines de charbon, loin de concentrer la flamme des chandelles et de l’éteindre, l’augmente et l’étend à une hauteur marquée : la flamme de cette chandelle fait alors l’effet d’une mèche qui allume toute la partie de la mine où cette vapeur était rassemblée. À Pensneth-Chasen, le feu a pris de cette manière par une chandelle dans une carrière de charbon, et depuis ce temps on en voit sortir la flamme et la fumée. Voyez, sur ce sujet, Transactions philosophiques, no 429, et aussi les nos 109, 282 et 442. — Je dois observer que les auteurs qui ont avancé, comme on le voit ici, que c’est la vapeur sulfureuse qui s’enflamme, se sont trompés : cette vapeur sulfureuse, loin de s’allumer, éteint au contraire les chandelles allumées. C’est donc à l’air inflammable, et non à la vapeur sulfureuse, qu’il faut attribuer l’inflammation dans les mines de charbon. Mais la cause la plus commune de l’embrasement des mines de charbon est l’inflammation des pyrites par l’humidité de la terre, lorsqu’elle est abreuvée d’eau : on ne peut parvenir à étouffer ce feu qu’en inondant pendant un certain temps toute la mine incendiée. Ces accidents sont très fréquents dans les mines de charbon qui ont été exploitées sans ordre par les paysans : la quantité de puits et d’ouvertures qu’ils ont laissés sur la direction des veines sont autant de réceptacles aux eaux de pluie, qui venant à rencontrer des pyrites, causent ces incendies.
  2. Dans les substances molles et dans les lits profondément enfouis, les fentes sont assez éloignées les unes des autres et plus étroites : dans les matières calcaires, elles sont perpen-
  1. On n’a inventé que récemment les lampes de sûreté qui permettent aux mineurs de se mettre à l’abri de l’inflammation des gaz des mines et des accidents qui en sont la conséquence. Les lampes de sûreté sont des appareils d’éclairage à parois formées par un grillage très fin ; elles reposent sur ce double fait que les flammes ne traversent pas le grillage et que l’hydrogène carboné ne prend feu que par le contact avec une flamme ; la toile métallique en isolant la flamme du gaz prévient donc l’inflammation de ce dernier.