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Les mines de Souxon en Sibérie sont fort considérables, et s’étendent à plus de trente lieues ; elles sont situées dans des collines qui ont environ cent toises de hauteur, et paraissent en suivre la pente ; toutes ne donnent guère que quatre livres de cuivre par quintal : ces mines de Souxon sont de troisième et dernière formation ; car on les trouve dans le sable, et même dans des bois fossiles qui sont tachés de bleu et de vert, et dans l’intérieur desquels la mine de cuivre a formé des cristaux[1]. Il en est de même des mines de cuivre des monts Riphées : on ne les exploite qu’au pied des montagnes, où le minerai de cuivre se trouve avec des matières calcaires, et suit, comme celles de Sauxon, la pente des montagnes jusqu’à la rivière[2].

Au Kamtschatka, où de temps immémorial les habitants étaient aussi sauvages que ceux de l’Amérique septentrionale, il se trouve encore du cuivre natif en masses et en débris[3], et une des îles voisines de celle de Béring, où ce métal se trouve en morceaux sur le rivage, en a pris le nom d’île de Cuivre[4].

La Chine est peut-être encore plus riche que la Sibérie en bonnes mines de cuivre : c’est surtout dans la province d’Yun-nan qu’il s’en trouve en plus grande quantité ; et il paraît que, quoiqu’on ait très anciennement fouillé ces mines, elles ne sont pas épuisées, car on en tire encore une immense quantité de métal. Les Chinois distinguent trois espèces de cuivre qu’ils prétendent se trouver naturellement dans leurs différentes mines : 1o le cuivre rouge ou cuivre commun, et qui est du cuivre de première formation ou de cémentation ; 2o le cuivre blanc qu’ils assurent avoir toute sa blancheur au sortir de la mine, et qu’on a peine à distinguer de l’argent lorsqu’il est employé. Ce cuivre blanc est aigre, et n’est vraisemblablement qu’un mélange de cuivre et d’arsenic ; 3o le tombac, qui ne paraît être au premier coup d’œil qu’une simple mine de cuivre, mais qui est mêlé d’une assez grande quantité d’or[5] : il se trouve une de ces mines de tombac fort abondante dans la province de Hu-quang. On fait de très beaux ouvrages avec ce tombac, et, en général, on ne consomme nulle part plus de cuivre qu’à la Chine pour les canons, les cloches, les instruments, les monnaies, etc.[6] ; cependant le cuivre est encore plus commun au Japon qu’à la Chine ; les mines les plus riches, et qui donnent le métal le plus fin et le plus ductile, sont dans la province de Kijnok et de Surunga[7], et cette dernière doit être regardée comme une mine de tombac, car elle tient une bonne quantité d’or. Les Japonais tirent de leurs mines une si grande quantité de cuivre que les Européens, et particulièrement les Hollandais, en achètent pour le transporter et en faire commerce[8] ; mais autant le cuivre rouge est commun dans ces iles du Japon, autant le cuivre jaune ou laiton y est rare,

  1. Histoire générale des Voyages, t. XIX, p. 47.
  2. Idem, ibid., p. 475.
  3. « Dans quelques endroits du Kamtschatka, on trouve dans le sable une si grande quantité de petits morceaux de cuivre natif, qu’on pourrait en charger des charrettes entières. » Le sieur Scherer, cité dans le Journal de physique, Juillet, 1781, p. 41 et suiv.
  4. Mednoi-ostroff ou l’île de cuivre qui se voit de l’île de Béring est ainsi appelée à cause des gros morceaux de cuivre natif qu’on trouve sur la grève… surtout à la pointe ouest de la bande méridionale. Maleviskoi en recueillit, entre les roches et la mer, sur une grève d’environ douze verges. Idem, ibid.
  5. L’aurichalcum de Pline paraît être une espèce de tombac, qu’il désigne comme un cuivre naturel, d’une qualité particulière et plus excellente que le cuivre commun, mais dont les veines étaient déjà depuis longtemps épuisées : « In Cypro prima æris inventio ; mox vilitas, reperto in aliis terris præstantiore, maximè aurichalco, quod præcipuam bonitatem admirationemque diù obtinuit ; nec reperitur longo jam tempore effœtâ tellure. » Lib. xxxiv, cap. ii.
  6. Histoire générale des Voyages, t. V, p. 484.
  7. Idem, t. X, p. 655.
  8. Histoire naturelle du Japon, par Kæmpfer, t. Ier, p. 94.