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Depuis la découverte de l’Amérique, les mines de cuivre, comme celles d’or et d’argent, ont été négligées en Espagne et en France, parce que l’on tire ces métaux du nouveau monde à moindres frais, et qu’en général les mines les plus riches de l’Europe, et les plus aisées à extraire, ont été fouillées et peut-être épuisées par les anciens ; on n’y trouve plus de cuivre en métal ou de première formation, et on a négligé les minières des pyrites cuivreuses ou de seconde formation, par la difficulté de les fondre, et à cause des grands frais que leur traitement exige. Celles des environs de Molina, dont parle M. Bowles[1] et qui paraissent être de troisième formation, sont également négligées ; cependant, indépendamment de ces mines de Molina en Aragon, il y a d’autres mines de cuivre à six lieues de Madrid, et d’autres dans la montagne de Guadelupe, dans lesquelles on fait aujourd’hui quelques travaux : celles-ci, dit M. Bowles, sont dans une ardoise jaspée de bleu et de vert[2].

En Angleterre, dans la province de Cornouailles, fameuse par ses mines d’étain, on trouve des mines de cuivre en filons, dont quelques-uns sont très voisins des filons d’étain, et quelquefois même sont mêlés de ces deux métaux : comme la plupart de ces mines sont dans un état pyriteux, elles sont de seconde formation ; quelques-unes néanmoins sont

    Bernadelle, sous la montagne qui sépare la France d’avec l’Espagne, entre la ville d’Autez et celle de Campredon. Il y a dans cette mine d’anciens et grands travaux, et l’on voit, dans les galeries et dans les chambres auxquelles elles aboutissent, des taches bleues et vertes, et même des incrustations de vert-de-gris, et aussi des filets de cuivre qui forment un réseau de différentes couleurs, rouges, violettes, etc., et ce réseau métallique s’observe dans toute l’étendue des galeries : « Je m’attendais, dit M. Le Monnier, à voir quelques filons cuivreux ; mais il paraît qu’il n’en a jamais existé d’autres, dans cette mine, que ce réseau métallique que j’ai vu presque partout… Toute cette mine, qui est d’une étendue très considérable, est dans une pierre dure qu’il faut faire éclater à la poudre ; et il y a dans quelques cavités de cette pierre du cuivre vert et soyeux, et dans quelques autres il y avait une poudre grumelée d’un très beau bleu d’outremer. » Observations d’histoire naturelle, par M. Le Monnier ; Paris, 1739, p. 209 et suiv.

  1. « À quelques lieues de Molina, il y a une montagne appelée la Platilla ; on voit au sommet des roches blanches qui sont de pierre à chaux, mêlées de taches bleues et vertes… Dans les galeries de la mine de cuivre, on voit que toutes les pierres sont fendillées et laissent découler de l’eau chargée de matière cuivreuse, et les fentes sont remplies de minéral de cuivre bleu, vert et jaune, mêlé de terre blanche calcaire. Ce minéral, formé par stillation, est toujours composé de lames très minces et parallèlement appliquées les unes contre les autres… La matière calcaire s’y trouve toujours mêlée avec le minéral de cuivre de quelque couleur qu’il soit… Il se forme souvent en petits cristaux dans les cavités du minéral même, et ces cristaux sont verts, bleus ou blancs… Le minéral commence par être fluide et dissous, ou au moins en état de mucilage qui a coulé très lentement, et que les eaux pluviales dissolvent de nouveau et entraînent dans les fentes ou cavités où elles tombent goutte à goutte et forment la stalactite… La mine bleue ne se mêle point avec le reste, et elles sont d’une nature très distincte ; car je trouvai que le bleu de cette mine contient un peu d’arsenic, d’argent et de cuivre, et le produit de sa fonte est une sorte de métal de cloche. La mine verte ne contient pas le moindre atome d’arsenic, et le cuivre se minéralise avec la terre blanche susdite, sans qu’il y ait la moindre partie de fer. Cette mine de la Platilla étant une mine de charriage ou d’alluvion, elle ne peut être bien profonde. » Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 141 et suiv. — Je dois observer que cette mine, décrite par M. Bowles, est non seulement d’alluvion, comme il le dit, et comme le démontre le mélange du cuivre avec la matière calcaire, mais qu’elle est encore de stillation, c’est-à-dire d’un temps postérieur à celui des alluvions, puisqu’elle se forme encore aujourd’hui par le suintement de ces matières dans les fentes des pierres quartzeuses où se trouve ce minéral cuivreux qui se réunit aussi en stalactites dans les cavités de la roche.
  2. Histoire naturelle d’Espagne, p. 28 et 67.