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donne du plomb, et M. Morand dit que l’étain se trouve aussi quelquefois dans le charbon de terre[1]. Tous les métaux peuvent donc s’y trouver, mais en parcelles et en débris comme toutes les autres matières qui sont de formation secondaire.

Nous devons encore observer au sujet des veines, des couches et des masses de charbon, qu’il s’en trouve très souvent de grands amas qui ne se prolongent pas au loin en veines régulières, et qui néanmoins occupent des espaces assez grands : ces amas ont dû se former toutes les fois que les arbres et autres matières végétales se sont trouvés amoncelés sur des fonds creux environnés d’éminences ; ainsi ces amas n’ont point de communication entre eux, et ne sont pas disposés par veines dirigées du levant au couchant. Ces mines en masses sont bien plus faciles à exploiter que les mines en veines ; elles sont ordinairement plus épaisses et situées moins profondément : dans le Bourbonnais, l’Auvergne, le Forez et la Bourgogne, et dans plusieurs autres provinces de France, les mines dont on tire le plus de charbon sont en amas et non pas en veines prolongées ; elles ont ordinairement huit et dix pieds d’épaisseur de charbon et souvent beaucoup plus.

Mais, comme nous l’avons dit, toutes les mines de charbon, soit en veines ou en amas, ne se trouvent que dans les couches de seconde formation, dont les matières ont été amenées et déposées par les eaux de la mer ; on n’en a jamais trouvé dans les grandes masses vitreuses de première formation, telles que le quartz, les jaspes et les granits : c’est toujours dans les collines et montagnes du second ordre, et surtout dans celles dont la construction par bancs est la plus irrégulière, que gisent ces amas et ces veines de charbon, et la plus grande partie de la masse de ces montagnes est d’ordinaire un schiste ou une argile différemment modifiée ; souvent aussi ce sont ou des grès plus ou moins décomposés, ou des pierres calcaires plus ou moins dures, ou des terres presque toujours imprégnées de matières pyriteuses qui leur donnent plus de pesanteur et une grande dureté. M. Lehmann dit avec quelque raison que le schiste qui sert presque toujours d’assise ou de plancher au charbon de terre n’est qu’une argile durcie, feuilletée, sulfureuse, alumineuse et bitumineuse. Mais je ne vois pas comment on peut en conclure avec lui que ce schiste est bitumineux lorsque sa portion argileuse a été imprégnée d’acide vitriolique, et qu’il est fétide lorsque cette même portion argileuse a été imprégnée d’acide marin[2] ; car le bitume ne se forme pas par le mélange de la terre argileuse avec l’acide vitriolique, mais par celui de ce même acide avec l’huile des végétaux, à moins que cet habile chimiste n’ait, comme M. de Gensane, pris le limon ou la terre limoneuse pour de l’argile. Il ajoute que des observations réitérées ont fait connaître que ces schistes, ardoises, ou pierres feuilletées, occupent la partie du milieu du terrain sur lequel les mines de charbon sont portées, et que ces mines occupent toujours la partie la plus basse ; ce qui n’est pas exactement vrai, puisque l’on trouve souvent des couches de schiste au-dessous des veines de charbon.

Les mines de charbon les plus aisées à exploiter ne sont pas celles qui sont dans les plaines ou dans le fond des vallons : ce sont au contraire celles qui gisent en montagnes, et desquelles on peut tirer les eaux par des galeries latérales, tandis que dans les plaines il faut des pompes ou d’autres machines pour élever les eaux qui sont quelquefois en telle abondance qu’on est obligé d’abandonner les travaux et de renoncer à l’exploitation de ces mines noyées ; et ces eaux, lorsqu’elles ont croupi, prennent souvent une qualité funeste ; l’air s’y corrompt aussi dès qu’il n’a pas une libre circulation ; les accidents causés par les vapeurs qui s’élèvent de ces mines sont peut-être aussi fréquents que dans les mines métalliques. Le docteur Lister est le premier qui ait observé la nature de ces

  1. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 138.
  2. Voyez l’ouvrage de M. Lehmann sur les couches de la terre, tome III, p. 287.