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mines soient souvent très voisines et même superposées, c’est-à-dire l’étain au-dessus du cuivre ; cependant ces deux métaux ne laissent pas d’avoir entre eux une affinité bien marquée : le petit art de l’étamage est fondé sur cette affinité ; l’étain adhère fortement et sans intermède au cuivre, pourvu que la surface en soit assez nette pour être touchée dans tous les points par l’étain fondu ; il ne faut pour cela que le petit degré de chaleur nécessaire pour dilater les pores du cuivre et fondre l’étain, qui dès lors s’attache à la surface du cuivre qu’on enduit de résine pour prévenir la calcination de l’étain.

Lorsqu’on fond le cuivre et qu’on y mêle de l’étain, l’alliage qui en résulte démontre encore mieux l’affinité de ces deux métaux, car il y a pénétration dans leur mélange : la densité de cet alliage, connu sous les noms d’airain ou de bronze, est plus grande que celle du cuivre et de l’étain pris ensemble, au lieu que la densité des alliages de cuivre avec l’or et l’argent est moindre, ce qui prouve une union bien plus intime entre le cuivre et l’étain qu’avec ces deux autres métaux, puisque le volume augmente dans ces derniers mélanges, tandis qu’il diminue dans le premier ; au reste, l’airain est d’autant plus dur, plus aigre et plus sonore que la quantité d’étain est plus grande, et il ne faut qu’une partie d’étain sur trois de cuivre pour en faire disparaître la couleur et même pour le défendre à jamais de sa rouille ou vert-de-gris, parce que l’étain est, après l’or et l’argent, le métal le moins susceptible d’altération par les éléments humides ; et quand, par la succession d’un temps très long, il se forme sur l’airain ou bronze une espèce de rouille verdâtre, c’est, à la vérité, du vert-de-gris, mais qui, s’étant formé très lentement et se trouvant mêlé d’une portion d’étain, produit cet enduit, que l’on appelle patine, sur les statues et les médailles antiques[1].

Le cuivre et le fer ont ensemble une affinité bien marquée, et cette affinité est si grande et si générale qu’elle se montre non seulement dans les productions de la nature, mais aussi par les produits de l’art. Dans le nombre infini des mines de fer qui se trouvent à la surface ou dans l’intérieur de la terre, il y en a beaucoup qui sont mêlées d’une certaine quantité de cuivre, et ce mélange a corrompu l’un et l’autre métal ; car, d’une part, on ne peut tirer que de très mauvais fer de ces mines chargées de cuivre, et, d’autre part, il faut que la quantité de ce métal soit grande dans ces mines de fer pour pouvoir en extraire le cuivre avec profit. Ces métaux, qui semblent être amis, voisins et même unis dans le sein de la terre, deviennent ennemis dès qu’on les mêle ensemble par le moyen du feu : une seule once de cuivre, jetée dans le foyer d’une forge, suffit pour corrompre un quintal de fer.

Le cuivre que l’on tire des eaux qui en sont chargées, et qu’on connaît sous le nom de cuivre de cémentation, est du cuivre précipité par le fer ; autant il se dissout de fer dans cette opération, autant il adhère de cuivre au fer qui n’est pas encore dissous, et cela par simple attraction de contact : c’est en plongeant des lames de fer dans les eaux chargées de parties cuivreuses qu’on obtient ce cuivre de cémentation, et l’on recueille par ce moyen facile une grande quantité de ce métal en peu de temps[2]. La nature fait quelquefois une opération assez semblable ; il faut pour cela que le cuivre dissous rencontre des particules ou de petites masses ferrugineuses qui soient dans l’état métallique ou presque métallique et qui, par conséquent, aient subi la violente action du feu ; car cette union n’a pas lieu lorsque les mines de fer ont été produites par l’intermède de l’eau et converties en

  1. Cet enduit ou patine est ordinairement verdâtre, et quelquefois bleuâtre, et il acquiert avec le temps une si grande dureté qu’il résiste au burin. Lettres de M. Demeste, t. II, p. 374.
  2. À Saint-Bel, l’eau qui traverse les mines de cuivre se sature en quelque sorte de vitriol de cuivre naturel ; il suffit de jeter dans les bassins où on reçoit cette eau une quantité de vieilles ferrailles ; on y trouve, peu de jours après, un cuivre rouge pur : c’est ce qu’on appelle cuivre de cémentation. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 91.