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réduit en métal ; il est donc à présumer que, comme le cuivre a été employé plus anciennement que le fer, ce n’est que de ce premier cuivre de nature que les Égyptiens, les Grecs et les Romains ont fait usage pour leurs instruments et leurs armes[1], et qu’ils n’ont pas tenté de fondre les minerais cuivreux qui demandent encore plus d’art et de travail que les mines de fer ; ils savaient donner au cuivre un grand degré de dureté, soit par la trempe, soit par le mélange de l’étain ou de quelque autre minéral, et ils rendaient leurs instruments et leurs armes de cuivre propres à tous les usages auxquels nous employons ceux de fer. Ils alliaient aussi le cuivre avec les autres métaux, et surtout avec l’or et l’argent. Le fameux airain de Corinthe, si fort estimé des Grecs[2], était un mélange de cuivre, d’argent et d’or, dont ils ne nous ont pas indiqué les proportions, mais qui faisait un alliage plus beau que l’or par la couleur, plus sonore, plus élastique, et en même temps aussi peu susceptible de rouille et d’altération : ce que nous appelons airain ou bronze aujourd’hui n’est qu’un mélange de cuivre et d’étain, auxquels on joint souvent quelques parties de zinc et d’antimoine.

Si l’on mêle le cuivre avec le zinc, sa couleur rouge devient jaune, et l’on donne à cet alliage le nom de cuivre jaune ou laiton ; il est un peu plus dense que le cuivre pur[3], mais c’est lorsque ni l’un ni l’autre n’ont été comprimés ou battus, car il devient moins dense que le cuivre rouge après la compression. Le cuivre jaune est aussi moins sujet à verdir, et suivant les différentes doses du mélange, cet alliage est plus ou moins blanc, jaunâtre, jaune ou rouge ; c’est d’après ces différentes couleurs qu’il prend les noms de similor, de peinchebec et de métal de Prince ; mais aucun ne ressemble plus à l’or pur par le brillant et la couleur que le laiton bien poli, et fait avec de la mine de zinc ou pierre calaminaire, comme nous l’indiquerons dans la suite.

Le cuivre s’unit très bien à l’or, et cependant en diminue la densité au delà de la proportion du mélange, ce qui prouve qu’au lieu d’une pénétration intime, il n’y a dans cet alliage qu’une extension ou augmentation de volume par une simple addition de parties interposées, lesquelles, en écartant un peu les molécules de l’or et se logeant dans les intervalles, augmentent la dureté et l’élasticité de ce métal qui, dans son état de pureté, a plus de mollesse que de ressort.

L’or, l’argent et le cuivre se trouvent souvent alliés par la nature dans les mines primordiales, et ce n’est que par plusieurs opérations réitérées et dispendieuses que l’on parvient à les séparer : il faut donc, avant d’entreprendre ce travail, s’assurer que la quantité de ces deux métaux, contenue dans le cuivre, est assez considérable, et plus qu’équivalente aux frais de leur séparation ; il ne faut pas même s’en rapporter à des essais faits en petit, ils donnent toujours un produit plus fort, et se font proportionnellement à moindres frais que les travaux en grand.

On trouve rarement le cuivre allié avec l’étain dans le sein de la terre, quoique leurs

  1. Les anciens se servaient beaucoup plus de cuivre que de fer ; les habitants du Pérou et du Mexique employaient le cuivre à tous les usages auxquels nous employons le fer. Métallurgie d’Alphonse Barba, t. Ier, p. 106.
  2. « Æri corinthio pretium ante argentum, ac pæne etiam ante aurum. » Plin. lib. xxxiv, cap. i.
  3. Selon M. Brisson, le pied cube de cuivre rouge, fondu et non forgé, ne pèse que 545 livres 2 onces 4 gros 35 grains, tandis qu’un pied cube de ce même cuivre rouge, passé à la filière, pèse 621 livres 7 onces 7 gros 26 grains. Cette grande différence démontre que de tous les métaux le cuivre est celui qui se comprime le plus ; et la compression par la filière est plus grande que celle de la percussion par le marteau. M. Geller dit que la densité de l’alliage, à parties égales de cuivre et de zinc, est à celle du cuivre pur comme 878 sont à 874. Chimie métallurgique, t. Ier, p. 265. — Mais M. Brisson a reconnu que le pied cube de cuivre jaune, fondu et non forgé, pèse 587 livres.