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paraît se tromper, en attribuant au cuivre seul l’origine de ces petits cristaux qui sont, dit-il, très éclatants, et d’une mine rouge de cuivre transparente, comme la plus belle mine d’argent rouge : car ce morceau de métal n’était pas de cuivre pur, mais de bronze, comme il le dit lui-même, c’est-à-dire de cuivre mêlé d’étain et, dès lors, ces cristaux rouges peuvent être regardés comme des cristaux produits par l’arsenic, qui reste toujours en plus ou moins grande quantité dans ce métal. Le cuivre seul n’a jamais produit que du vert qui devient bleu quand il éprouve l’action de l’alcali volatil.

M. Demeste dit encore « que l’azur de cuivre ou les fleurs de cuivre bleues ressemblent aux cristaux d’azur artificiels ; que leur passage à la couleur verte, lorsqu’elles se décomposent, est le même, et qu’elles ne diffèrent qu’en ce que ces derniers sont solubles dans l’eau. » Mais je dois observer que, néanmoins, cette différence est telle qu’on ne peut plus admettre la même composition, et qu’il ne reste ici qu’une ressemblance de couleur. Or, le vitriol bleu présente la même analogie, et cependant on ne doit pas le confondre avec le bleu d’azur. M. Demeste ajoute, avec toute raison, « que l’alcali volatil est plus commun qu’on ne croit à la surface et dans l’intérieur de la terre… ; qu’on trouve ces cristaux d’azur dans les cavités des mines de cuivre décomposées, et que quelquefois ces petits cristaux sont très éclatants et de l’azur le plus vif ; que cet azur de cuivre prend le nom de bleu de montagne lorsqu’il est mélangé à des matières terreuses qui en affaiblissent la couleur, et qu’enfin le bleu de montagne, comme l’azur, sont également susceptibles de se décomposer en passant lentement à l’état de malachite… ; que la malachite, le vert de cuivre ou fleurs de cuivre vertes, résultent souvent de l’altération spontanée de l’azur de cuivre, mais que ce vert est aussi produit par la décomposition du cuivre natif et des mines de cuivre, à la surface desquelles on le rencontre en malachites ou masses plus ou moins considérables et mamelonnées, et que ce sont de vraies stalactites de cuivre, comme l’hématite en est une de fer[1]. » Tout ceci est très vrai, et c’est même de cette manière que les malachites sont ordinairement produites ; la simple décomposition du cuivre en rouille verte, entraînée par la filtration des eaux, forme des stalactites vertes, et cette combinaison est bien plus simple que celle de l’altération de l’azur et de sa réduction en stalactites vertes ou malachites : il en est de même du vert de montagne ; il est produit plus communément par la simple décomposition du cuivre en rouille verte ; et l’habile chimiste que je viens de citer me paraît se tromper encore en prononçant exclusivement, « que le vert de montagne est toujours un produit de la décomposition du bleu de montagne ou de celle du vitriol de cuivre[2]. » Il me semble au contraire que c’est le bleu de montagne qui lui-même est produit par l’altération du vert qui se change en bleu : car la nature a les mêmes moyens que l’art, et peut par conséquent faire, comme nous, du vert avec du bleu, et changer le bleu en vert sans qu’il soit nécessaire de recourir au cuivre natif pour produire ces effets.

Quoique le cuivre soit de tous les métaux celui qui approche le plus de l’or et de l’argent par ses attributs généraux, il en diffère par plusieurs propriétés essentielles : sa nature n’est pas aussi parfaite, sa substance est moins pure, sa densité et sa ductilité moins grandes ; et ce qui démontre le plus l’imperfection de son essence, c’est qu’il ne résiste pas à l’impression des éléments humides ; l’air, l’eau, les huiles et les acides l’altèrent et le convertissent en verdet ; cette espèce de rouille pénètre, comme celle du fer, dans l’intérieur du métal, et avec le temps en détruit la cohérence et la texture.

Le cuivre de première formation étant dans un état métallique, et ayant été sublimé ou fondu par le feu primitif, se refond aisément à nos feux ; mais le cuivre minéralisé, qui est de seconde formation, demande plus de travail que tout autre minerai pour être

  1. Lettres de M. Demeste, etc., t. II, p. 369 et suiv.
  2. Idem, t. II, p. 370.