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DU CUIVRE


De la même manière et dans le même temps que les roches primordiales de fer se sont réduites en rouille par l’impression des éléments humides, les masses du cuivre primitif se sont décomposées en vert-de-gris, qui est la rouille de ce métal, et qui, comme celle du fer, a été transportée par les eaux, et disséminée sur la terre ou accumulée en quelques endroits, où elle a formé des mines qui se sont de même déposées par alluvion, et ont ensuite produit les minerais cuivreux de seconde et de troisième formation ; mais le cuivre natif ou de première origine a été formé, comme l’or et l’argent, dans les fentes perpendiculaires des montagnes quartzeuses, et il se trouve, soit en morceaux de métal massif, soit en veines ou filons mélangés d’autres métaux. Il a été liquéfié ou sublimé par le feu, et il ne faut pas confondre ce cuivre natif de première formation avec le cuivre en stalactites, en grappes ou filets, que nos chimistes ont également appelés cuivres natifs[1], parce qu’ils se trouvent purs dans le sein de la terre : ces derniers cuivres sont au contraire de troisième et peut-être de quatrième formation ; la plupart proviennent d’une cémentation naturelle qui s’est faite par l’intermède du fer auquel le cuivre décomposé s’est attaché après avoir été dissous par les sels de la terre. Ce cuivre, rétabli dans son état de métal par la cémentation, aussi bien que le cuivre primitif qui subsiste encore en masses métalliques, s’est offert le premier à la recherche des hommes : et, comme ce métal est moins difficile à fondre que le fer, il a été employé longtemps auparavant pour fabriquer les armes et les instruments d’agriculture. Nos premiers pères ont donc usé, consommé les premiers cuivres de l’ancienne nature : c’est, ce me semble, par cette raison, que nous ne trouvons presque plus de ce cuivre primitif dans notre Europe, non plus qu’en Asie ; il a été consommé par l’usage qu’en ont fait les habitants de ces deux parties du monde très anciennement peuplées et policées, au lieu qu’en Afrique, et surtout dans le continent de l’Amérique, où les hommes sont plus nouveaux et n’ont jamais été bien civilisés, on trouve encore aujourd’hui des blocs énormes de cuivre en masse qui n’a besoin que d’une première fusion pour donner un métal pur, tandis que tout le cuivre minéralisé, et qui se présente sous la forme de pyrites, demande de grands travaux, plusieurs feux de grillage, et même plusieurs fontes avant qu’on puisse le réduire en bon métal ; cependant ce cuivre minéralisé est presque le seul que l’on trouve aujourd’hui en Europe ; le cuivre primitif a été épuisé, et, s’il en reste encore, ce n’est que dans l’intérieur des montagnes où nous n’avons pu fouiller, tandis qu’en Amérique il se présente à nu, non seulement sur les montagnes, mais jusque dans les plaines et les lacs, comme on le verra dans l’énumération que nous ferons des mines de ce métal, et de leur état actuel dans les différentes parties du monde.

Le cuivre primitif était donc du métal presque pur, incrusté comme l’or et l’argent dans les fentes du quartz, ou mêlé comme le fer primitif dans les masses vitreuses ; et ce

  1. Lettres de M. Demeste au docteur Bernard, t. II, p. 355.