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l’argent qu’on en tire est d’un haut aloi. Un autre brille comme du talc, mais il donne peu de métal ; un autre, qui n’en contient guère plus, est d’un rouge jaunâtre : on le tire aisément de sa mine en petits morceaux friables et mous ; il y a aussi du minerai vert qui n’est guère plus dur et qui paraît être mêlé de cuivre ; enfin on trouve de l’argent pur en plusieurs endroits ; mais ce n’est que dans la seule mine de Cotamito, assez voisine de celle de Potosi, que l’on voit des fils d’argent pur entortillés comme ceux du galon brûlé.

Il en est donc de l’argent comme de l’or et du fer : leurs mines primordiales sont toutes dans le roc vitreux, et ces métaux y sont incorporés en plus ou moins grande quantité dès le temps de leur première fusion ou sublimation par le feu primitif ; et les mines secondaires qui se trouvent dans les matières calcaires ou schisteuses tirent évidemment leur origine des premières. Ces mines de seconde et de troisième formation, qu’on a quelquefois vues s’augmenter sensiblement par l’addition du minerai charrié par les eaux, ont fait croire que les métaux se produisaient de nouveau dans le sein de la terre, tandis que ce n’est au contraire que de leur décomposition et de la réunion de leurs détriments que toutes ces mines nouvelles ont pu et peuvent encore être formées ; et, sans nous éloigner de nos mines d’argent du Pérou, il s’en trouve de cette espèce au pied des montagnes et dans les excavations des mines même abandonnées depuis longtemps[1].

Les mines d’argent du Mexique ne sont guère moins fameuses que celles du Pérou. M. Bowles dit que, dans celle appelée Valladora, le minerai le plus riche donnait cinquante livres d’argent par quintal, le moyen vingt-cinq livres et le plus pauvre huit livres, et que souvent on trouvait dans cette mine des morceaux d’argent vierge[2]. On estime même que tout l’argent qui se tire du canton de Sainte-Pécaque est plus fin que celui du Pérou[3] : suivant Gemelli Careri, la mine de Santa-Crux avait en 1697 plus de sept cents pieds de profondeur ; celle de Navaro plus de six cents, et l’on peut compter, dit-il, plus de mille ouvertures de mines[4], dans un espace de six lieues, autour de

  1. Dans la montagne de Potosi, l’on a tant creusé en différents endroits que plusieurs mines se sont abîmées, et ont enseveli les Indiens qui travaillaient, avec leurs outils et étançons. Dans la suite des temps, on est venu refouiller les mêmes mines, et l’on a trouvé dans le bois, dans les crânes et autres os humains, des filets d’argent qui les pénètrent. C’est encore un fait indubitable qu’on a trouvé beaucoup d’argent dans les mines de Lipès, d’où on en avait tiré longtemps auparavant. Je sais qu’on répond à cela qu’autrefois elles étaient si riches qu’on négligeait les petites quantités ; mais je doute que lorsqu’il n’en coûte guère plus de travail, on perde volontiers ce que l’on tient. Si à ces faits nous ajoutons ce que nous avons dit des lavoirs d’Adacoll et de la montagne de Saint-Joseph, où se forme le cuivre, on ne doutera plus que l’argent et les autres métaux ne se forment tous les jours dans certains lieux… Les anciens philosophes et quelques modernes ont attribué au soleil la formation des métaux ; mais, outre qu’il est inconcevable que sa chaleur puisse pénétrer jusqu’à des profondeurs infinies, on peut se désabuser de cette opinion, en faisant attention à un fait incontestable que voici :

    Il y a environ trente ans que la foudre tomba sur la montagne d’Ilimani, qui est au-dessus de la Paze, autrement Chuquiago, ville du Pérou, à quatre-vingts lieues d’Arica ; elle en abattit un morceau, dont les éclats qu’on trouva dans la ville et aux environs étaient pleins d’or ; néanmoins cette montagne, de temps immémorial, a toujours été couverte de neige ; donc la chaleur du soleil, qui n’a pas assez de force pour fondre la neige, n’a pas dû avoir celle de former de l’or, qui était dessous et qu’elle a couvert sans interruption… D’ailleurs, la plupart des mines du Pérou ou du Chili sont couvertes de neige pendant huit mois de l’année. Frézier, Voyage à la mer du Sud ; Paris, 1732, p. 146 et suiv.

  2. Histoire naturelle d’Espagne, p. 23 et 24.
  3. Histoire générale des Voyages, t. XI, p. 389.
  4. C’est une observation importante et qui n’avait pas échappé au génie de Pline, « qu’on ne trouve guère un filon seul et isolé ; mais que, lorsqu’on en a découvert un, on est presque sûr d’en rencontrer plusieurs autres aux environs. » « Ubicumque una inventa