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Mais c’est en Amérique où nous trouverons un très grand nombre de mines d’argent, plus étendues, plus abondantes, et travaillées plus en grand qu’en aucune autre partie du monde. La plus fameuse de toutes est celle de Potosi au Pérou : « Le minerai, dit M. Bowles, en est noir, et formé de la même sorte de pierre que celle de Freyberg, en Saxe ; » ce naturaliste ajoute que la mine appelée Rosicle, dans le Pérou, est de la même nature que celle de Rothgulden-Erz et de Andreasberg dans le Hartz, et de Sainte-Marie-aux-Mines dans les Vosges[1].

Les mines de Potosi furent découvertes en 1545, et l’on n’a pas cessé d’y travailler depuis ce temps, quoiqu’il y ait quantité d’autres mines dans cette même contrée du Pérou. Frézier assure que de son temps les mines d’argent les plus riches étaient celles d’Oriero, à quatre-vingts lieues d’Arica, et il dit qu’en 1712 on en découvrit une auprès de Cusco, qui d’abord a donné près de vingt pour cent de métal, mais qui a depuis beaucoup diminué ainsi que celle de Potosi[2]. Du temps d’Acosta, c’est-à-dire au commencement de l’autre siècle, cette mine de Potosi était sans comparaison la plus riche de toutes celles du Pérou : elle est située presque au sommet des montagnes dans la province de Charcas, et il y fait très froid en toute saison. Le sol de la montagne est sec et stérile ; elle est en forme de cône, et surpasse en hauteur toutes les montagnes voisines ; elle peut avoir une lieue de circonférence à la base, et son sommet est arrondi et convexe. Sa hauteur, au-dessus des autres montagnes qui lui servent de base, est d’environ un quart de lieue. Au-dessous de cette plus haute montagne, il y en a une plus petite où l’on trouvait de l’argent en morceaux épars ; mais, dans la première, la mine est dans une pierre extrêmement dure ; on a creusé de deux cents stades, ou hauteur d’homme, dans cette montagne, sans qu’on ait été incommodé des eaux ; mais ces mines étaient bien plus riches dans les parties supérieures, et elles se sont appauvries au lieu de s’ennoblir en descendant[3]. Parmi les autres mines d’argent du Pérou, celle de Turco, dans le corrégiment de Cavanga, est très remarquable, parce que le métal forme un tissu avec la pierre très apparent à l’œil ; d’autres mines d’argent dans cette même contrée ne sont ni dans la pierre ni dans les montagnes, mais dans le sable, où il suffit de faire une fouille pour trouver des morceaux de ce métal, sans autre mélange qu’un peu de sable qui s’y est attaché[4].

Frézier, voyageur très intelligent, a donné une assez bonne description de la manière dont on procède au Pérou pour exploiter ces mines et en extraire le métal. On commence par concasser le minerai, c’est-à-dire les pierres qui contiennent le métal : on les broie ensuite dans un moulin fait exprès ; on crible cette poudre, et l’on remet sous la meule les gros grains de minerai qui restent sur le crible, et lorsque le minerai se trouve mêlé de certains minéraux trop durs qui l’empêchent de se pulvériser, on le fait calciner pour le piler de nouveau ; on le moud avec de l’eau, et on recueille dans un réservoir cette

    colonies hollandaises, au pays des Hottentots ; mais on n’en a pas continué l’exploitation. Kolbe, dans l’Histoire générale des Voyages, t. V, p. 135.

  1. Histoire naturelle d’Espagne, p. 27.
  2. Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 589.
  3. Ce roc de Potosi contient quatre veines principales : la riche, le centeno, celle d’étain et celle de mendieta. Ces veines sont en la partie orientale de la montagne, et on n’en trouve point en la partie occidentale, elles courent nord et sud… Elles ont à l’endroit le plus large six pieds, et au plus étroit une palme : ces veines ont des rameaux qui s’étendent de côté et d’autre… Toutes ces mines sont aujourd’hui (en 1589) fort profondes, à quatre-vingts, cent ou deux cents stades, ou hauteur d’homme… On a reconnu, par expérience, que plus haut est située la veine à la superficie de la terre, plus elle est riche et de meilleur aloi… On tire le minerai à coups de marteaux, parce qu’il est dur à peu près comme le caillou. Histoire naturelle des Indes, par Acosta ; Paris, 1600, p. 137 et suiv.
  4. Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 300.