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car, quoi qu’il n’ait point reconnu de soufre dans cette mine, le foie de soufre qui est, pour ainsi dire, répandu partout, doit y exister comme il existe non seulement dans les matières terreuses, mais dans les substances calcaires et autres matières qui accompagnent les mines de seconde fondation.

En Bohême, les principales mines d’argent sont celles de Saint-Joachim ; les filons en sont assez minces, et la matière en est très dure, mais elle est abondante en métal ; les mines de Kuttemberg sont mêlées d’argent et de cuivre, elles ne sont pas si riches que celles de Saint-Joachim[1]. On peut voir, dans les ouvrages des minéralogistes allemands, la description des mines de plusieurs autres provinces, et notamment de celles de Transylvanie, de la Hesse et de Hongrie ; celles de Schemnitz[2] contiennent depuis deux jusqu’à cinq gros d’argent, et depuis cinq jusqu’à sept deniers d’or par marc, non compris une once et un gros de cuivre qu’on peut en tirer aussi[3].

Mais il n’y a peut-être pas une mine en Europe où l’on ait fait d’aussi grands travaux que dans celle de Salzberg en Suède, si la description qu’en donne Regnard n’est point exagérée : il la décrit comme une ville souterraine dans laquelle il y a des maisons, des écuries et de vastes emplacements[4].

    l’union de l’alcali avec l’argent, c’est qu’on obtient un vrai foie de soufre lorsqu’à une partie de la mine en question on ajoute la moitié du soufre, et que l’on fait fondre ces deux matières dans un vaisseau fermé…

    Depuis que j’ai été convaincu par la mine d’Annaberg qu’il y a dans la nature des mines véritablement alcalines, j’en ai encore découvert dans d’autres endroits : à Schemnitz, en Hongrie, on a trouvé depuis longtemps que les mines riches qu’on y exploite étaient accompagnées d’une substance minérale, molle, blanche, et de la nature de la craie. Cette substance, qui, à cause de la subtilité de ses parties et du peu de solidité de sa masse, blanchit les mains comme de la craie, a été pendant très longtemps jetée comme une matière inutile ; on s’est enfin avisé de l’essayer, et on a trouvé, par les essais ordinaires, qu’elle contenait dix marcs d’argent par quintal… Et, si l’on y veut faire attention, on trouvera peut-être fréquemment cette mine alcaline dans le voisinage des carrières de marbre et de pierre à chaux…

    Toute la montagne où se trouve la mine d’Annaberg n’est composée que d’une pierre à chaux ou d’une espèce de marbre commun, et l’on m’a envoyé de Silésie une espèce de marbre qui venait de la montagne appelée le Zottemberg, et dont j’ai tiré par l’analyse deux onces et demie d’argent par quintal… M. Lheman m’a assuré avoir vu un marbre qui contenait jusqu’à trois onces et demie d’argent par quintal. Nouvelles vérités à l’avantage de la physique, par M. de Justi ; Journal étranger, mois de mai 1756, p. 71 et suiv.

  1. Griselius, dans les Éphémérides d’Allemagne depuis l’année 1670 à 1686.
  2. Par les Mémoires de M. Ferber, sur les mines de Hongrie, il paraît que la mine de Schemnitz est fort riche ; que celle de Kremnitz a fourni, depuis 1749 jusqu’en 1759, en or et en argent, la valeur de 42 498 000 florins, c’est-à-dire plus de 84 millions de notre monnaie ; et que, depuis 1648, celle de Felsobania fournit par an environ 100 marcs d’or, 3 000 marcs d’argent, 3 000 quintaux de plomb et 1 500 quintaux de litharge, sans compter les mines de cuivre et autres. Mémoires imprimés à Berlin en 1780, in-8o. Extraits dans le Journal de Physique, août 1781, p. 161.
  3. Traité de la fonte des Mines de Schlutter, t. II, p. 304.
  4. Regnard ajoute, à la description des excavations de la mine, la manière dont on l’exploite : « On fait, dit-il, sécher les pierres qu’on tire de la mine sur un fourneau qui brûle lentement, et qui sépare l’antimoine, l’arsenic et le soufre d’avec la pierre : le plomb et l’argent restent ensemble. Cette première opération est suivie d’une seconde, et ces pierres séchées sont jetées dans des trous où elles sont pilées et réduites en boue, par le moyen de gros marteaux que l’eau fait agir ; cette boue est délayée dans une eau qui coule incessamment sur une planche mise en glacis et qui, emportant le plus grossier, laisse l’argent et le plomb dans le fond sur une toile. La troisième opération sépare l’argent d’avec le plomb, qui fond en écume, et la quatrième sert enfin à le perfectionner et à le mettre en état de souffrir le marteau… On me fit, dit l’auteur, présent d’un morceau