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bouton de fin se consolide presque subitement au moment que l’or ou l’argent qu’il contient sont entièrement purifiés ; on le voit donc tout à coup briller de l’éclat métallique, et ce coup de lumière s’appelle coruscation dans l’art de l’affineur, dont nous abrégeons ici les procédés, comme ne tenant pas directement à notre objet.

On a regardé comme argent natif tout celui qu’on trouve dans le sein de la terre sous sa forme de métal ; mais dans ce sens, il faut en distinguer de deux sortes, comme nous l’avons fait pour l’or : la première sorte d’argent natif est celle qui provient de la fusion par le feu primitif et qui se trouve quelquefois en grands morceaux[1], mais bien plus souvent en filets ou en petites masses feuilletées et ramifiées dans le quartz et autres matières vitreuses ; la seconde sorte d’argent natif est en grains, en paillettes ou en poudre, c’est-à-dire en débris qui proviennent de ces mines primordiales, et qui ont été détachés par les agents extérieurs et entraînés au loin par le mouvement des eaux. Ce sont ces mêmes débris rassemblés qui, dans certains lieux, ont formé des mines secondaires d’argent, où souvent il a changé de forme en se minéralisant.

L’argent de première formation est ordinairement incrusté dans le quartz ; souvent il est accompagné d’autres métaux et de matières étrangères en quantité si considérable que les premières fontes, même avec le secours du plomb, ne suffisent pas pour le purifier.

Après les mines d’argent natif, les plus riches sont celles d’argent corné et d’argent vitré : ces mines sont brunes, noirâtres ou grises, elles sont flexibles, et même celle d’argent corné est extensible sous le marteau, à peu près comme le plomb ; les mines d’argent rouge, au contraire, ne sont pas extensibles, mais cassantes ; ces dernières mines sont, comme les premières, fort riches en métal.

Nous allons suivre le même ordre que dans l’article de l’or, pour l’indication des lieux où se trouvent les principales mines d’où l’on tire l’argent. En France, on connaissait assez anciennement celles des montagnes des Vosges, ouvertes dès le dixième siècle[2], et d’autres dans plusieurs provinces, comme en Languedoc[3], en Gévaudan et en

  1. « Il y a, dans le Cabinet du roi de Danemark, deux très grands morceaux de mine d’argent, tous deux dans une pierre blanche, plus dure que le marbre (c’est-à-dire dans du quartz). Le plus grand de ces morceaux a cinq pieds six pouces de longueur, et le second quatre pieds, tous deux en forme de solives ; on estime qu’il y a trois quarts d’argent sur un quart de pierre, et le premier morceau pèse 560 livres. » Journal étranger, mois de juin 1758. — On assure que, dans le Hartz, on a trouvé un morceau d’argent si considérable, qu’étant battu on en fit une table autour de laquelle pouvaient se tenir vingt-quatre personnes. Dictionnaire d’Histoire naturelle, par M. de Bomare, article Argent.
  2. « Dès le dixième siècle, il y avait plus de trente puits de mines ouverts dans les montagnes des Vosges, depuis les sources de la Moselle jusqu’à celles de la Sarre ; on en tirait de l’argent et du cuivre : on a renouvelé avec succès, en différentes époques, plusieurs de ces anciennes mines ; loin d’être épuisées, elles paraissent encore très riches. On peut croire que, dans cette chaîne de montagnes, tous les rochers renferment également dans leur sein ces riches minéraux, puisque ces rochers sont généralement de la même nature et la plus analogue aux productions métalliques. Mais pourquoi offrir aux hommes les vaines et cruelles richesses que recèle la terre ? Les vrais trésors sont sous nos pas : tel qui saurait ajouter un grain à chaque épi qui jaunit dans nos champs ferait, à l’œil du sage, un plus beau présent au monde que celui qui découvrit le Potosi. » Histoire de Lorraine, par M. l’abbé Bexon, p. 64. — La mine de Saint-Pierre, qui n’est pas éloignée de Giromagny, présente de grands travaux ; le minéral est d’argent mêlé d’un peu de cuivre… Vis-à-vis la mine de Sainte-Barbe, dans la montagne du Balon, il y a un filon de mine d’argent… On connaît aussi deux filons de mine d’argent dans la vallée de Saint-Amarin, celui de Vercholtz et celui de Saint-Antoine. Exploitation des Mines, par M. de Gensane ; Mémoires des Savants étrangers, t. IV, p. 141 et suiv.
  3. Dans le douzième siècle, les mines d’argent du Languedoc étaient travaillées très utilement par les seigneurs des terres où elles se trouvaient : toutes ces mines, ainsi que