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dans la juridiction de Riobamba, est si rempli de mines, qu’en 1743, un habitant de cette ville avait fait enregistrer pour son seul compte dix-huit veines d’or et d’argent, toutes riches et de bon aloi ; l’une de ces mines d’argent rendait quatre-vingts marcs par cinquante quintaux de minerai, tandis qu’elles passent pour riches quand elles en donnent huit à dix marcs… Il y a aussi des mines d’or et d’argent dans les montagnes de la juridiction de Cuença, mais qui rendent peu. Les gouvernements de Quixos et de Macas sont riches en mines ; ceux de Marinas et d’Atamès en ont aussi d’une grande valeur… Les terres arrosées par quelques rivières qui tombent dans le Maragnon, et par les rivières de Sant-Lago et de Mira, sont remplis de veines d’or[1]. »

Les anciens historiens du nouveau monde, et entre autres le P. Acosta, nous ont laissé quelques renseignements sur la manière dont la nature a disposé l’or dans ces riches contrées ; on le trouve sous trois formes différentes : 1o en grains ou pépites, qui sont des morceaux massifs et sans mélange d’autre métal ; 2o en poudre ; 3o dans des pierres : « J’ai vu, dit cet historien, quelques-unes de ces pépites qui pesaient plusieurs livres[2]. L’or, dit-il, a par excellence sur les autres métaux de se trouver pur et sans mélange ; cependant, ajoute-t-il, on trouve quelquefois des pépites d’argent tout à fait pures ; mais l’or en pépites est rare, en comparaison de celui qu’on trouve en poudre. L’or en pierre est une veine d’or infiltrée dans la pierre, comme je l’ai vu à Caruma, dans le gouvernement des salines… Les anciens ont célébré les fleuves qui roulaient de l’or : savoir le Tage en Espagne, le Pactole en Asie, et le Gange aux Indes orientales. Il y a de même, dans les rivières des îles de Barlovento, de Cuba, Portorico et Saint-Domingue, de l’or mêlé dans leurs sables… Il s’en trouve aussi dans les torrents au Chili, à Quito et au nouveau royaume de Grenade. L’or qui a le plus de réputation est celui de Caranava au Pérou, et celui de Valdivia au Chili, parce qu’il est très pur et de vingt-trois carats et demi. L’on fait aussi état de l’or de Veragua qui est très fin ; celui de la Chine et des Philippines, qu’on apporte en Amérique, n’est pas à beaucoup près aussi pur[3]. »

Le voyageur Wafer raconte qu’on trouve de même une grande quantité d’or dans les sables de la rivière de Coquimbo au Pérou, et que le terrain voisin de la baie où se décharge cette rivière dans la mer est comme poudré de poussière d’or, au point, dit-il, que, quand nous y marchions, nos habits en étaient couverts, mais cette poudre était si menue, que c’eût été un ouvrage infini de vouloir la ramasser. « La même chose nous arriva, continue-t-il, dans quelques autres lieux de cette même côte où les rivières amènent de cette poudre avec le sable ; mais l’or se trouve en paillettes et en grains plus gros à mesure que l’on remonte ces rivières aurifères vers leurs sources[4]. »

Au reste, il paraît que les grains d’or que l’on trouve dans les rivières, ou dans les terres adjacentes, n’ont pas toujours leur brillant jaune et métallique ; ils sont souvent

  1. Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 594 et suiv.
  2. Les Espagnols donnent le nom de pépite à un morceau d’or ou d’argent qui n’a pas encore été purifié, et qui sort seulement de la mine. « J’en ai vu une, dit Feuillée, du poids de trente-trois livres et quelques onces, qu’un Indien avait trouvée dans une ravine que les eaux avaient découverte ; ce que j’ai admiré dans cette pépite, c’est que sa partie supérieure était beaucoup plus parfaite que l’inférieure, et que cette perfection diminuait à mesure qu’elle s’approchait de la partie inférieure, dans une proportion admirable : vers l’extrémité de la partie supérieure, l’or était de vingt-deux carats deux grains ; un peu plus bas, de vingt et un carats un demi-grain ; à deux pouces de distance de sa partie supérieure, elle n’était plus que de vingt et un carats ; et vers l’extrémité de sa partie inférieure, la pépite n’était que de dix-sept carats et demi. » Observations physiques, par le P. Feuillée ; Paris, 1722, t. Ier, p. 468.
  3. Histoire naturelle et morale des deux Indes, par Joseph Acosta ; Paris, 1600, p. 134.
  4. Voyage de Wafer, à la suite de ceux de Dampierre, t. IV, p. 288.